Nice-Matin (Menton)

Qualité de l’air : l’État devra payer  M€

Le Conseil d’État a estimé hier que les pouvoirs publics n’en ont pas fait assez pour réduire la pollution au dioxyde d’azote et aux particules fines.

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Du « jamais vu » : « Les Amis de la Terre » et les 76 autres associatio­ns de protection de l’environnem­ent et citoyens engagés se sont félicités hier d’une « victoire historique » contre l’État français, condamné par le Conseil d’État à payer 10 millions d’euros pour ne pas avoir renforcé suffisamme­nt son dispositif contre la pollution de l’air. La somme, la plus élevée jamais imposée pour contraindr­e les pouvoirs publics à appliquer une décision de la justice administra­tive, et qui pourrait être renouvelée dans six mois, reflète le manquement répété des gouverneme­nts successifs à exécuter entièremen­t les injonction­s en matière de qualité de l’air. La première décision de la plus haute juridictio­n administra­tive dans cette affaire remonte juillet 2017.

Le Conseil d’État, de plus en plus actif en matière environnem­entale, avait alors réclamé des plans de réduction des niveaux de particules PM 10 (diamètre inférieur ou égal à 10 microns) et/ou de dioxyde d’azote (NO2, notamment associé au trafic routier) dans treize zones.

Pas « dans le délai le plus court possible »

à

Mais trois ans plus tard, malgré les feuilles de route adoptées, la justice constatait des valeurs toujours dépassées pour huit d’entre elles, et donnait six mois à l’État pour durcir ses mesures. À

l’issue d’une analyse lancée fin janvier 2021, les juges ont bien constaté une améliorati­on dans certaines zones. Mais sont pointées du doigt cinq agglomérat­ions – Paris, Lyon, Marseille-Aix, Toulouse et Grenoble – pour le NO2, et une – Paris – pour les PM 10, du fait d’un dépassemen­t des seuils limites de pollution, ou un retour sous ces seuils mais peut-être temporaire, dans un contexte de crise sanitaire ayant mis les transports à l’arrêt. Par conséquent, « l’État ne peut être regardé comme ayant pris des mesures suffisante­s propres à assurer l’exécution complète des décisions » de 2017 et 2020. Les mesures adoptées par le gouverneme­nt devraient

permettre d’améliorer encore la situation, mais pas « dans le délai le plus court possible » comme réclamé, insiste le Conseil.

Il note en outre « les incertitud­es entourant l’adoption ou les conditions de mise en oeuvre de certaines d’entre elles », notamment l’instaurati­on « très étalée dans le temps » de zones à faibles émissions (ZFE) pour limiter la circulatio­n des véhicules dans les grandes villes.

« Barbara Pompili a fait de la lutte contre la pollution de l’air une priorité de son action » et « continuera à le faire dans les mois à venir » ,aréagi le ministère de la Transition écologique. Mais ce « combat » n’est pas « une évidence pour tous », s’est-il défendu, référence aux tentatives de la droite sénatorial­e de retarder la généralisa­tion des ZFE aux villes de plus de 150 000 habitants, prévue pour 2025.

Nouvelle évaluation dans six mois

L’État se retrouve en tout cas sous pression, car il est susceptibl­e d’être à nouveau sanctionné dans six mois.

La somme de 10 millions d’euros concerne en effet le premier semestre 2021. Le Conseil d’État réexaminer­a début 2022 les actions du gouverneme­nt pour le second semestre et pourra ordonner une nouvelle astreinte – identique, majorée ou minorée.

En général, les astreintes sont versées au budget de l’État, mais l’État étant lui-même le débiteur dans cette affaire, les juges ont innové. « Les Amis de la Terre », à l’origine de l’affaire, se voient attribuer 100 000 euros. Le reste est divisé entre plusieurs organismes publics engagés dans la lutte contre la pollution de l’air (Ademe, Cerema, Anses, Ineris) et quatre associatio­ns régionales de surveillan­ce de la qualité de l’air.

Cette condamnati­on succède à une autre décision historique du Conseil d’État : le 1er juillet, les juges ont donné à l’État neuf mois pour prendre des mesures supplément­aires contre le réchauffem­ent. À l’issue de cette période, s’ils estimaient que les mesures sont toujours insuffisan­tes, ils pourraient là aussi imposer une astreinte financière.

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