Concert, hier, sur un… piano silencieux !
Le récital de piano donné au Parc du Pian n’était écoutable qu’avec un casque wifi. Une expérience quasi inédite qui n’a pas dénaturé le récital remarquable de Celia Oneto Bensaid
Le concert d’hier aprèsmidi au festival de Menton avait lieu au Parc du Pian. Les mélomanes se sont donc rendus dans ce beau jardin suspendu au dessus de la Méditerranée, au milieu des oliviers crépitants du chant des cigales. Ils se sont assis sur des chaises qui avaient été installées sous les ramures. Comme une muse antique apparue dans une robe aux reflets dorés, une pianiste s’avança parmi les frondaisons jusqu’à un piano qui avait été dressé sur une estrade. Elle s’appelait Célia Oneto Bensaid. Elle se mit à jouer. Et… rien ! Aucun son. !Le piano restait silencieux. La pianiste avait beau jouer, multiplier les gammes et les effets, rien ne sortait de son instrument.
Croyez vous que l’on vous décrive une hallucination ? Un cauchemar ? Non, c’est la vérité.
Le concert d’hier n’était pas écoutable directement… mais seulement avec un casque audio.
Le principe d’audition était celui du « Silent system». Il s’agit à l’origine d’un système dû à la firme Yamaha pour travailler son piano avec un casque sans importuner ses voisins. Ce système, que nous avons décrit dans notre édition d’hier, a été étendu ici à une audition publique.
Tous les mélomanes étaient donc munis de casques audio.
Vision surréaliste
Vision surréaliste que celle de cet auditoire casqué au milieu des oliviers ! Certains restaient assis tandis que d’autres se promenaient entre les arbres. A l’intention de cette communauté casquée, Celia Oneto Bensaid déroula son récital : des musiques répétitives de Philipp Glass, des Miroirs de Ravel qui étaient en vibration avec le cadre naturel du parc du Pian, une page fort inspirée de la jeune compositrice contemporaine Camille Pépin et le tournoiement des danses célèbres de « West side story » de Bernstein.
Les gens applaudissaient. Le bruit des bravos était feutré par les écouteurs que nous avions sur les oreilles. Lorsque le concert fut fini et qu’on enleva le casque, on s’aperçut que les cigales n’avaient pas cessé de chanter. Comme tous les gens qui passaient dans le parc sans écouteurs, elles n’avaient rien entendu du piano. Elles continueront ainsi à chanter tout l’été. Mais gare à ce qu’elles ne se retrouvent pas fort dépourvues lorsque la bise sera venue !
ANDRÉ PEYREGNE