Sur les traces des
Les spéléologues varois s’inquiètent face à l’augmentation de la fréquentation des cavités du département. En cause, certaines vidéos de youtubeurs qui incitent le public à prendre des risques, au détriment du respect de l’environnement. On est parti, bie
Un bon brigand ne laisse jamais de traces sur son passage. Les malfaiteurs que l’on recherche, eux, ont fait tout l’inverse. L’alerte a été lancée par un spéléologue des Bouches-duRhône, qui a repéré « des actes de vandalisme » dans une grotte varoise.
Dépité, Philippe Maurel n’a même « pas eu envie de retourner sur place ». Cette cavité qu’il a arpentée des centaines de fois au cours de sa longue carrière de spéléologue et d’éducateur sportif, a été « saccagée par des gens irresponsables » qui ont tagué des flèches à l’intérieur. Sacrilège.
« Tu sens la clim ? »
« Ça ne peut plus durer. On se doit de faire passer un message de prévention pour éviter ce genre de méfaits. » Denis Laty, président du Comité départemental de spéléologie du Var (CDS 83) est en colère, lui aussi. Dans son sillage, sa fille Gaby, qui est tombée dedans quand elle avait à peine 2 ans, et Isandre, un jeune licencié du Galamaoud, le club de Carqueiranne.
Pénétrer le monde souterrain et ses labyrinthes de galeries tortueuses est un spectacle à part entière. Difficile d’imaginer que ces tunnels creusés dans le calcaire étaient remplis d’eau il y a des milliers d’années.
Cette grotte varoise dépasse à peine les 2 km de long et se trouve à 20 m sous-terre (sachant que la plus importante du département atteint 400 m de profondeur). Comme dans toutes les cavités de ce type, le climat y est frais. « Tu sens la clim?» La température avoisine les 15 °C et le taux d’humidité oscille autour des 98 %. Des limaces se prélassent sur les parois aux dégradés de beige, de blanc et de marron. A priori, on ne devrait pas croiser grand monde, si ce n’est quelques insectes cavernicoles – « le plus souvent aveugles, dépigmentés et dotés de grandes antennes » – ou une scolopendre qui a élu domicile à l’entrée du site.
« Catastrophe »
Au bout d’un premier tunnel, l’affaire se corse. Mieux vaut être souple et pas trop claustrophobe. Il faut enjamber, ramper, se contorsionner. «La règle d’or, prévient Philippe Maurel, c’est que tout ce qui est dans la grotte appartient à la grotte. On ne laisse aucune trace derrière nous. »
Elles sont bien là, pourtant, ces vilaines flèches peintes en vert fluo censées indiquer... la sortie. Denis Laty est désabusé. Mais quelle bande de margoulins a pu commettre pareil péché ? « C’est une catastrophe. » D’autres flèches orange apparaissent plus loin. «On nous avait parlé que de flèches vertes, soupire le président du CDS83. Celles-ci doivent être plus récentes. » Peu importe la couleur pour Philippe Maurel. Le chargé de com du CDS 83 est daltonien. Le mal est fait. « Ça sert à quoi de tracer ces indications, fulmine Denis Laty. Si vous avez peur de vous perdre, n’y allez pas ! »
Isandre vient de repérer de son côté un reste de papier en tissu qui gît entre deux stalagmites. On soupçonne un malotru d’avoir fait ses besoins sur place. Gaby, quant à elle, vient peut-être de trouver un indice : un vestige de bout de semelle provenant d’une chaussure de sport. « C’est du 42 ! » « Mais c’est pas possible, se désole Denis Laty. Ils ont dû organiser un jeu de rôle ou quelque chose comme ça… »
Faux paléolithique
Un peu plus loin encore, d’autres empreintes humaines. Des mains. Comme une fresque rupestre. Des visiteurs se sont visiblement pris pour des artistes du paléolithique, ce qui a le don d’ulcérer Philippe Maurel. « Les gens ne respectent vraiment pas le milieu ». Du haut de ses 13 ans, Isandre, le licencié de Carqueiranne, se régale dans cet environnement si singulier. «La spéléologie, dit-il, c’est une ambiance. » Alors lui aussi s’offusque de découvrir qu’un groupe de malandrins a récemment installé un cordage de marin pour accéder en haut de la grotte. Là où justement, les spéléologues refusent de grimper, pour ne pas perturber les minioptères de Schreibers, une espèce de chauvesouris qui a l’habitude de venir se réfugier là, à l’abri du monde extérieur. En repartant, on tombe sur une nouvelle oeuvre gravée dans la roche. C’est un coeur signé Jenny et Steve. « Bientôt, résume Isandre, ironique, et terre à terre, on verra un guichet à l’entrée de la grotte ! »
Textes et photos : Guillaume AUBERTIN gaubertin@nicematin.fr