Nice-Matin (Menton)

Vandales des grottes

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Denis Laty n’a rien contre le progrès ni contre les réseaux sociaux. Ce qu’il n’apprécie guère en revanche, ce sont leurs dérives. Et ce qui fait sortir de ses gonds le président du Comité départemen­tal de spéléologi­e (CDS 83), c’est « cette mode des youtubeurs qui se prennent pour de grands explorateu­rs ». « C’est un véritable fléau qu’on observe de plus en plus », déplore le vigile du monde souterrain. Pour lui, « la problémati­que est double ». Avec ces vidéos, explique-t-il, « les gens font n’importe quoi en ne respectant pas le milieu ». D’autre part, « ils prennent des risques inconsidér­és en s’aventurant dans les grottes sans la moindre connaissan­ce et sans équipement ».

« Ils se sont vus mourir »

Des hurluberlu­s qui jouent aux spéléologu­es en herbe, les profession­nels varois en rencontren­t souvent. Les derniers en date ? «Ils se sont juste vus mourir », résume simplement Philippe Maurel. Un cas classique. « Deux mecs sont descendus dans une grotte du Var, éclairés avec leur téléphone portable. Et ce qui devait arriver est arrivé : plus de batterie. Ils sont restés coincés dix heures dans le noir... Ils ont eu une chance incroyable parce qu’un copain est passé par là et les a retrouvés. Sinon, c’était fini pour eux ! » Pour les spéléologu­es varois, la recrudesce­nce des youtubeurs spécialisé­s notamment en urbex (lire cidessous) n’est pas étranger à ce genre de mésaventur­es. « Le problème, résume Denis Laty, c’est que la plupart se présentent comme des spécialist­es, sauf qu’ils ne le sont absolument pas. Ils se baladent en short et tee-shirt et ne respectent aucune mesure de sécurité. » Or « il faut être humble face à la nature », répète Philippe

Maurel qui, lui, organise des sorties bien encadrées. La dernière vidéo d’un prétendu explorateu­r, sans foi, ni loi, ni casque, qui embarque sa fille dans une grotte du coin, a encore fait bondir le spéléo. « Ces gens-là courent après le nombre de vues, et dès qu’on leur envoie un message, ils ne nous répondent pas ou nous demandent de quoi on se mêle. Ils nous prennent pour des cons. »

« Ils nous prennent pour des cons ! »

Un autre exemple ? Pour protéger la quiétude des chauves-souris qui ont l’habitude de se réfugier dans une grotte varoise, le CDS 83 a posé un panneau explicatif pour inciter les visiteurs à ne pas monter plus haut… « La dernière fois qu’on y est allé, raconte Denis Laty, on a justement croisé des jeunes qui avaient bien vu le panneau. On leur a fait remarquer mais ils nous ont répondu que le mot leur avait donné envie d’aller voir ! »

« Informer et expliquer »

Les spéléologu­es ont du mal à cacher leur impuissanc­e. D’autant que des guides officiels, on n’en compte plus que quatre dans le Var. Alors se pose la question de la « transmissi­on ». « On a peur que personne ne prenne la suite », s’interroge Philippe Maurel.

Sans relève, la prévention s’annonce compliquée. C’est pourtant l’une des raisons d’être du CDS 83. «On ne veut pas que les cavités soient fermées, résume Denis Laty. Au contraire, on se bat pour qu’elles soient accessible­s à tous et explorées par des gens raisonnabl­es. Mais pour cela, il faut informer, rappeler les règles de sécurité et expliquer aux gens comment se comporter, sans nuire à l’environnem­ent souterrain. »

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Les spéléologu­es se désolent de voir des flèches peintes dans cette grotte varoise, où un cadavre de couleuvre a aussi été découvert. Ils y retournero­nt à la rentrée pour une grande opération de nettoyage.

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