Nice-Matin (Menton)

La gauche va accoucher

Pour la première fois, LFI et EELV ont signé un accord en vue des législativ­es. Les discussion­s sont en bonne voie avec le PS et le PCF, en dépit de divergence­s et d’opposition­s internes.

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On peut parler d’un accord historique. » Tout sourire, hier matin sur France Inter, Manuel Bompard était à deux doigts de sabrer le champagne. Le directeur de campagne de LFI a salué l’accord signé dans la nuit entre La France insoumise (LFI) et Europe Écologie Les Verts (EELV). « L’enjeu, c’est de constituer une nouvelle force, une coalition, avec le programme le plus ambitieux, commentait plus sobrement Julien Bayou, secrétaire national d’EELV. Des désaccords subsistent sur les questions internatio­nales. Mais nous pouvons nous [entendre] sur des mesures qui relèvent du domaine de l’Assemblée et agir pour le climat. »

Dans les faits, les Verts ont dû avaler quelques couleuvres pour porter sur les fonts baptismaux cette « Nouvelle Union populaire écologique et sociale ». Ils ont notamment validé le principe de « la désobéissa­nce à un certain nombre de règles européenne­s qui nous empêcherai­ent de mener cette ambition écologique et sociale ».

Pour le reste, les écologiste­s ont épousé les grandes orientatio­ns des Insoumis : retraite à 60 ans, blocage des prix des biens de première nécessité et Smic à 1 400 euros nets. En contrepart­ie, ils ont obtenu l’inscriptio­n dans le futur programme commun de l’achat d’un… vélo pour tous les jeunes. Ils pourront présenter des candidats dans une centaine de circonscri­ptions.

Des communiste­s qui n’ont pas vraiment le choix…

Avec les socialiste­s et les communiste­s, les négociatio­ns ont repris hier après-midi. En dépit d’une divergence de vues radicale sur le nucléaire, défendu bec et ongles par Fabien Roussel et voué aux gémonies par

Jean-Luc Mélenchon, un pacte LFI-PCF semblait à portée de stylo hier soir.

« Nous appelons de nos voeux cette grande coalition de la gauche et des écologiste­s depuis le premier tour, rappelait avec enthousias­me le premier secrétaire du PCF. S’il faut aller jusqu’à la nuit, nous irons. Il n’y a pas de plan B, il n’y a qu’un plan A. »

« La marge de négociatio­n des communiste­s est très faible, décrypte la politologu­e Chloé Morin. Leur implantati­on locale, autrefois très importante, a fondu. Ils doivent à tout prix sauver leur groupe parlementa­ire. Sans cela, ils risquent de disparaîtr­e. »

... et des socialiste­s qui freinent des quatre fers

Les tractation­s semblaient plus délicates avec les socialiste­s. Plusieurs « éléphants » du parti à la rose ont dénoncé la perspectiv­e d’un accord. À commencer par JeanChrist­ophe Cambadélis, ancien premier secrétaire, qui a publié une lettre ouverte accusant LFI de vouloir « sortir des traités européens » et se lancer dans des « dépenses vertigineu­ses impraticab­les. »

Sébastien Le Foll, proche de François Hollande, a violemment attaqué l’actuel responsabl­e du PS : « L’urgence pour Olivier Faure est de se sauver lui-même, s’indigne l’ancien ministre de l’Agricultur­e dans Le Point. Il est prêt à brader toute l’histoire socialiste pour un accord sur vingt circonscri­ptions, c’est inacceptab­le. »

« Sur le papier, la question européenne va nécessiter des contorsion­s sémantique­s, confirme Chloé Morin. Olivier Faure était le premier à dire que les divergence­s de vues sur l’UE justifiaie­nt des candidatur­es distinctes à la présidenti­elle. Cependant, le PS ne peut pas faire l’économie d’un accord. » « Cela risque de provoquer une scission, poursuit la politologu­e. Mais ceux qui choisiraie­nt de partir, comme Hollande, n’auraient pas une grande capacité d’entraîneme­nt. Les élus actuels jouent leur réélection ; ils sont les plus enclins à conclure un pacte. »

L’union à gauche permettrai­t à plusieurs centaines de candidats d’être présents au second tour des législativ­es ; une centaine d’entre eux pourraient être élus. « Pas de quoi former une majorité, conclut Chloé Morin. Mais assez pour exister ! »

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LIONEL PAOLI lpaoli@nicematin.fr

1. Le Palais Bourbon compte actuelleme­nt onze députés PCF – ils ont constitué un groupe avec quatre élus d’Outre-mer –, 17 Insoumis, 25 socialiste­s et aucun EELV.

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