« Pas de bidouille, pas de tambouille : nous défendons un projet pour changer la société »
Manon Aubry, députée européenne et négociatrice pour LFI
« Un accord global est à portée de main. » Dans la voix de Manon Aubry, la phrase brille comme un soleil. La députée européenne varoise, membre de l’équipe des Insoumis en charge des négociations avec les autres formations de gauche, l’assure : « Nous allons transformer la société pour changer la vie de millions de gens. »
Les divergences de LFI avec EELV, notamment sur l'Europe, sont majeures. Vous avez tout mis sous le tapis ?
Pas du tout ! Je connais bien le sujet européen, puisque j’ai été à la manoeuvre sur cette question. On a d’abord listé nos points d’accord avec les Verts : nous souhaitons nationaliser
EDF, mettre un terme à la privatisation du rail... Puis nous avons fait un constat partagé : tout cela est contraire au droit européen. Pour mettre en oeuvre notre programme, il est donc nécessaire de désobéir à certaines règles.
Peut-on ne pas appliquer les traités sans sortir de l’Europe ? Oui, c’est possible ! La fameuse règle du déficit limité à 3 % a été bafouée 171 fois en vingt ans. Savez-vous combien de sanctions ont été prononcées ? Zéro ! L’Espagne a demandé à pouvoir intervenir sur le marché de l’énergie : une dérogation a été accordée, puis étendue au reste de l’Europe. Même chose pour l’Allemagne qui a sorti l’eau potable de la privatisation.
[Elle sourit] Ce qui ce joue aujourd’hui, c’est peut-être la fracture du référendum de 2005 qui est en train de se refermer.
Certains caciques du PS
– Le Foll et Cambadélis notamment – accusent LFI de vouloir « sortir des traités européens ». Ils ont tort ?
C’est un épouvantail qu’ils agitent pour faire peur. Nous ne voulons pas de Frexit ; nous ne voulons ni quitter l’Europe, ni sortir de la zone euro.
Les discussions se poursuivent avec les socialistes, les communistes et le Nouveau Parti anticapitaliste. Pensezvous qu'elles vont aboutir ?
Oui. On avance doucement, mais sûrement. Ce sera peutêtre un peu plus long avec le PS, parce qu’on a perdu l’habitude de se parler. Je préfère qu’on prenne le temps nécessaire pour aplanir tous les soucis. J’aimerais qu’on signe mardi [aujourd’hui, Ndlr], jour anniversaire de l’arrivée au pouvoir du Front populaire en 1936.
Le PS est beaucoup mieux implanté localement que LFI. Allez-vous en tenir compte ? Bien sûr. Les circonscriptions que LFI revendique ne sont pas proportionnelles à notre score de la présidentielle.
Un accord avec le PS pourrait être bloqué par le conseil national du parti. Est-ce une chose que vous redoutez ?
C’est un risque, en effet. À eux de le gérer. Nous, nous ne voulons pas de bidouille, pas de tambouille : nous défendons un projet pour changer la société.
Pour obtenir un accord, quelles concessions LFI est-elle prête à faire ?
On veut un programme commun sur l’essentiel. Il y aura peut-être 5 % sur lesquels on acceptera de nuancer.
PROPOS RECUEILLIS PAR L. P.