Nice-Matin (Menton)

« C’est une histoire simple, faite de petits miracles »

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Marguerite Haziot avait entre sept et huit ans, quand elle est arrivée à Saint-Léger. Elle y est restée un an, avec sa mère, son père et son frère. « Je me souviens de tout », pose-t-elle d’emblée. Avant la guerre, sa famille vivait à Paris. « Là-bas, c’était l’étoile jaune sur les vêtements et les rafles en continu », se souvient-elle. Le 20 août 1941, a lieu la grande rafle du 11e arrondisse­ment. «Les policiers se sont arrêtés au réverbère qui est au coin de notre immeuble. Ils ont décidé que le 11e finissait à Picpus. Ça nous a sauvés », se souvient Marguerite.

Arrivée à Nice en 1941…

Son père part en premier. Après avoir trouvé un appartemen­t à Nice, il contacte sa femme, pour qu’elle descende avec leurs deux enfants. « On a passé toute une nuit cachés, sous les fusillades, pour passer la ligne de démarcatio­n », continue-t-elle. Ils arrivent finalement à Nice, et s’installent. Mais au bout d’un moment, le proviseur du lycée Masséna, où le frère de Marguerite étudiait, les convoque. Il conseille aux parents

Marguerite Haziot avait entre 7 et 8 ans quand elle est arrivée à Saint-Léger, après la grande rafle niçoise de 1942. La photo a été prise avant son départ.

d’envoyer le jeune homme en-dehors de Nice. Par chance, le père de Marguerite avait sympathisé avec un couple de Français. « Mon père était très charmeur. Un jour, il était sur la place du lycée, quand la Gestapo est arrivée. Il s’est jeté dans le premier magasin qu’il a trouvé, qui était une parfumerie. Il s’est lié d’amitié avec la propriétai­re et son mari », détaille-t-elle. Après avoir entendu les recommanda­tions du proviseur, les parents de Marguerite sont allés voir ce couple, dont la femme était originaire de Saint-Léger. « Mon frère part, et les rafles reprennent à Nice », continue Marguerite. Son père, en danger, finit par endosser un uniforme de charbonnie­r et part sur la route, en direction de PugetThéni­ers.

...puis, à Saint-Léger, en 1943

Arrive alors la grande rafle de 1942 à Nice. Marguerite et sa mère sont seules et terrorisée­s. Leur voisine leur procure de faux papiers et leur dit de partir. Le seul nom dont elles se souviennen­t, c’est Puget-Théniers. Elles y arrivent et, pendant trois jours, errent sur la place centrale. «On n’osait parler à personne, on faisait profil bas », souffle Marguerite.

La petite fille passe ses journées à jouer au bord du Var, à sauter d’un banc à l’autre. Puis elle voit un camion avec un homme, côté passager, le visage charbonneu­x. « C’est Papa ! », crie-t-elle, alors que sa mère tente de la faire taire. « Et c’était mon père. On s’est retrouvés, trois jours plus tard. C’est une histoire simple, mais faite de petits miracles », commente Marguerite. Tous trois continuent la route vers Saint-Léger, pour retrouver le deuxième enfant de la famille. Ils ont passé un an dans la cabane à pommes de terre d’un fermier avant de descendre à Nice, en décembre 1944, car la mère était sur le point d’accoucher.

Depuis, Marguerite revient tous les ans à Saint-Léger, pour la fête patronale. « Elle est sculptrice, elle nous a même fait un buste de Marianne », glisse Jacques David. Et Marguerite, de conclure : «Zoé David avait un caractère incroyable. Entre la peur, la faim et l’angoisse, on n’a jamais pensé qu’on en sortirait vivant. Alors on vient, chaque année, pour leur dire qu’on ne les oubliera jamais. »

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