Nice-Matin (Menton)

Dans les campagnes ukrainienn­es, les agriculteu­rs trompent la mort

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C’est la saison des semis en Ukraine, l’un des greniers à céréales de la planète. Mais cette année, autant que de carburant et d’engrais, les agriculteu­rs locaux ont besoin de gilets pare-balles et de démineurs. Dans les champs d’Igor Tsiapa, dans le sud-ouest du pays, un missile non explosé gît sur un bout de terre noire, laissé intact alors que le reste de son champ de maïs a déjà été labouré et planté. « On a repéré le projectile il y a dix jours, mais on n’a pas touché à cette partie du champ, on a continué à préparer les semis », explique l’agriculteu­r de 60 ans, à quelques mètres des démineurs en action.

« Tout doit être fait dans les temps si on veut avoir une récolte plus ou moins correcte. On a dû continuer à travailler », poursuit Igor Tsiapa, dont l’exploitati­on est située aux environs de Grygorivka, un village de la région de Zaporijjia.

Depuis le début de la guerre, les agriculteu­rs ukrainiens se sont retrouvés en première ligne de l’invasion russe, qui a laissé à travers le pays de grandes quantités de mines, d’obus et de missiles non explosés. Le risque est grand de déclencher l’un de ces engins.

Premier producteur mondial d’huile de tournesol

Selon la police, le dernier accident s’est produit dans la région de Kiev, mercredi. Un agriculteu­r au volant de son tracteur a heurté une mine, qui l’a blessé gravement. Maria Kolesnyk, de la société d’analyse ProAgro Group, estime qu’une vingtaine d’incidents similaires ont déjà été recensés.

Dans le champ d’Igor Tsiapa, l’équipe de démineurs, casque bleu siglé du ministère ukrainien des Situations d’urgence sur la tête, a placé des petites briques d’explosif grosses comme un poing le long du missile, avant de pelleter un monticule de terre par-dessus.

(Photo AFP) « Chaque jour, on trouve et on détruit des munitions non explosées », dit un membre de l’équipe. « Quand les agriculteu­rs ont commencé à travailler dans les champs, on a commencé à recevoir régulièrem­ent des appels nous signalant la présence de nouveaux engins », ajoute-t-il, précisant qu’en cette période des semis, son équipe en détruit jusqu’à trois par jour.

Dans cette région clef pour l’approvisio­nnement en céréales de la planète, les agriculteu­rs qui le peuvent ont le devoir de prendre le relais de ceux bloqués par l’occupation, estime Igor Tsiapa : « Nous avons une double responsabi­lité et une double pression pour une bonne récolte. Il n’y a pas de combat actif ici, donc nous pouvons travailler ». L’Ukraine est le premier producteur mondial d’huile de tournesol, et figure aussi parmi les cinq premiers exportateu­rs mondiaux de maïs et de blé.

Le rendement de la moisson de blé 2022 dans le pays devrait chuter d’au moins 35 % comparé à 2021, selon des images analysées par la société de géolocalis­ation Kayrros, dans une note publiée hier.

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Un champ de colza à Grygorivka, près de Zaporijjia.

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