Nice-Matin (Menton)

Le jeu de séduction

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Pseudo : Arturo6664. Identité : Arturo Pastor. Signes particulie­rs : 40 ans, beau gosse, homme d’affaires à succès. Et manifestem­ent sous le charme d’Edwige.

Ainsi commence l’idylle entre cette jeune femme, séparée du père de sa fille, et ce bel inconnu, fin 2020. « Il m’a écrit sur Instagram. Il s’est présenté. Il m’a dit qu’il avait fait fortune dans les bitcoins. Et qu’il faisait partie de la famille Pastor. » Ce nom ne parle pas à Edwige, qui habite dans l’Essonne. Une amie l’éclaire : « C’est une grande famille, une famille monégasque très connue ! »

Les échanges se poursuiven­t sur WhatsApp. Edwige lui propose d’échanger en visio. Arturo décline la propositio­n. « Il m’a dit qu’il était sourd et muet, un handicap de naissance. Ça m’a touchée. C’était aussi une façon pour lui de se cacher… » Peu à peu, la relation amicale se mue en cyber-romance. Les tourtereau­x se trouvent des points communs. « J’avais perdu ma maman récemment. Il m’a dit que c’était son cas aussi. »

« Chaque semaine, j’avais 100 à 150 roses »

Cet Arturo fait mouche. Il couvre Edwige de fleurs, littéralem­ent. « Chaque semaine, j’avais 100 à 150 roses entre mon domicile et mon salon ! » Gérante d’un institut de beauté, Edwige est conquise. Et se languit. Quand Arturo lui indique qu’il se trouve à Dubaï, dans ses locaux de la démesurée Burj Khalifa, elle saute sur l’occasion, et dans l’avion. «Jedécide de lui faire la surprise. J’étais amoureuse, je ne voulais pas rester dans le virtuel… » Raté. Edwige quitte Dubaï une semaine plus tard, sans avoir vu l’ombre d’Arturo. «Ça ne se passe pas comme ça. J’ai tout un réseau de sécurité autour de moi », justifie-t-il. Mais les démarches d’Edwige restent vaines. « J’ai commencé à me douter que c’était faux. »

« Soit je te vois, soit c’est terminé ! »

Une amie vient accentuer son trouble. Elle reconnaît le visage d’Arturo. Cette photo, c’est en réalité celle de Gary, un instagrame­ur qui surferait entre le Var et Monaco. « Pourquoi tu m’as menti ? », explose Edwige sur WhatsApp. « C’est simple : soit je te vois, soit c’est terminé ! »

Message reçu. Arturo accepte un appel en FaceTime. Il ne ressemble pas à Gary. Mais il ne déplaît pas à Edwige.

Pour son anniversai­re, elle lui envoie un cadeau, à l’adresse qu’il lui a indiquée à Monaco. Arturo lui parle de sa prétendue famille. Il pousse le cynisme jusqu’à évoquer le double assassinat d’Hélène Pastor et de son majordome, en 2014 à Nice .«Ilmeditque sa tante a été tuée, et que toute sa famille vit sous protection. » Photos, vidéos, passeport… « À chaque fois, il donne la preuve de ce qu’il avance. » Il lui reste à prouver son existence. 26 mai 2021. Trois berlines noires stoppent devant le coquet pavillon d’Edwige, à

Massy. « Voilà, c’est moi », lui lance Arturo Pastor. Le voici, enfin, flanqué d’une dizaine de gardes du corps armés de talkie-walkie.

« Je tremble. J’ai l’impression d’être dans un film. D’ailleurs, je filme !, témoigne la jeune femme. Je suis à la fois contente de le rencontrer et très impression­née. En plus, je le trouve beau… »

Edwige est interpellé­e par son oreillette. Mais surtout surprise de l’entendre parler, même si c’est en anglais. Son handicap n’était donc qu’une façade protectric­e. Edwige embarque avec son prince charmant vers un resto parisien huppé, place de la Madeleine. Cette première rencontre s’achèvera sur un « appel urgent » reçu par Arturo. Deux semaines plus tard, un chauffeur attend Edwige devant chez elle. Cap sur l’aéroport de Roissy, puis la Côte d’Azur. Edwige débarque à Nice. Elle passe le week-end avec Arturo à Cannes, à l’hôtel Martinez.

« Il me dit qu’il travaille pour le prince Albert »

Cette fois-ci, ce sont ses tatouages qui l’intriguent. « Ils faisaient plus penser à un mafieux italien qu’à une grande famille monégasque… » Edwige s’en ouvre à Arturo. Une dispute éclate. « Il me fait peur. Je ne reconnais plus la personne avec qui je parle sur WhatsApp. Alors je pars. »

Mais Arturo revient vers Edwige. S’excuse.

« Il me dit qu’il travaille pour le prince Albert. Il me montre des documents, et me dit : “Je suis un espion. Il faut que tu arrêtes de poser des questions, que tu me fasses confiance, que je m’occupe de ta protection et de celle de ta fille.” »

Au passage, Arturo offre à son amoureuse 5 000 dollars en bitcoins. Puis lui propose de placer 20 000 dollars à un taux avantageux, quand elle vend sa Range Rover. Nous y voilà… De plus en plus méfiante, Edwige refuse. Et restitue les 5 000 dollars.

La jeune femme a de quoi se méfier. Elle reste interloqué­e par cette démonstrat­ion de force, quand Arturo a envoyé une bande de gros bras chez elle, en pleine nuit, officielle­ment pour s’assurer qu’elle était en sécurité. Le père de sa fille, quant à lui, a reçu des menaces bien réelles.

Le couple tangue, jusqu’au 8 juillet. Edwige fête ses 32 ans. Un chauffeur la conduit à l’aéroport du Bourget. Arturo l’y attend. Un jet privé aussi. Pour Edwige, c’est une première. « À l’intérieur, champagne, bouquets de fleurs… Je suis très impression­née. Lui est très bien habillé, comme d’habitude. » Arturo a sorti le grand jeu. Cap sur un week-end luxueux à Saint-Tropez. Leur dernier.

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