Éric Zemmour sera candidat à Saint-Tropez
« Je me sens ici chez moi. » C’est ainsi que l’ex-vacancier habitué du golfe tropézien justifiait hier soir, sur la plage de Cogolin, son positionnement dans la 4e circonscription du Var.
La chemise blanche, lumineuse sur le pantalon crème, met en valeur un bronzage impeccable. Éric Zemmour paraît radieux. Les mocassins plantés dans la pelouse de son ami MarcEtienne Lansade(1), le candidat d’extrême droite vient d’apprendre une « excellente nouvelle ». La cour d’appel de Paris confirme sa relaxe pour « contestation de crimes contre l’humanité ».
Il était poursuivi pour avoir affirmé, lors d’un débat télévisé, que « Pétain a sauvé les juifs français ». « C’est bien la preuve qu’on m’a fait, au sens propre, un mauvais procès, grince-t-il. Je n’ai jamais nié le génocide des juifs. On a voulu m’atteindre en déformant mes propos. Maintenant, la vérité est rétablie ; j’en suis heureux et soulagé. » Puis, d’un geste vif, il balaie le problème. Comme pour renvoyer cet épisode dans les oubliettes. Et signifier qu’il entend désormais conjuguer ses engagements au futur.
Vous êtes candidat dans le Var, où vous n’habitez pas. Vous êtes donc un « parachuté » ?
Il ne s’agit pas d’un parachutage ; j’ai l’intention de m’implanter ici. Vous le savez, j’ai une histoire particulière avec ce département. C’est ici, l’été dernier, que j’ai accordé à votre titre la première interview qui annonçait ma campagne. C’est à Toulon que j’ai tenu mon premier meeting, c’est également ici que Marion Maréchal m’a rejoint. J’aime le
Var et les Varois. En retour, j’ai l’impression qu’ils m’aiment bien.
Vous avez d’abord été annoncé à Cannes, dans la huitième circonscription des AlpesMaritimes. Vous avez hésité ?
Il n’en a jamais été question. [Il sourit] Vous savez, il y a eu beaucoup de rumeurs infondées qui ont circulé...
Dans cette circonscription du Var, vous avez obtenu l’un de vos meilleurs scores le 10 avril : 14,7 % des voix. C’est tout de même deux fois moins que Marine Le Pen (32,2 %). Vous pensez avoir une chance ?
[Il hausse les épaules] Qui peut le savoir ? Dans une élection, il arrive de perdre – mon expérience récente me permet d’en témoigner. Mais personne ne peut prévoir les résultats à l’avance.
Les sondages promettent à Reconquête !, au mieux, un ou deux sièges au Palais Bourbon. Cela ne vous décourage pas ? Oh, il en faut davantage pour me décourager ! La campagne commence à peine. J’ai le sentiment que les idées que je porte trouvent un écho auprès des Français.
Quel intérêt d’être élu, si vous n’êtes pas assez nombreux pour former un groupe(2) ?
Êtes-vous capable de me citer le nom de tous les députés RN ? Je parie que ce n’est pas le cas. En revanche, la France entière connaît le nom et les convictions de Jean Lassalle. C’est la personnalité de l’élu qui compte. Après, ce qui est certain, c’est que la droite aurait eu davantage de chances si nous nous étions présentés unis.
Vous avez tendu la main au RN et à LR. Sans résultat ?
[Il secoue la tête] Aucun de mes appels n’a été entendu. J’ai bien compris que, pour des questions d’ego, les dirigeants de ces partis préfèrent perdre séparément plutôt que gagner ensemble. C’est regrettable. D’autant plus que les électeurs, eux, souhaitent que nous fassions front commun.
Ne portez-vous pas une part de responsabilité ? Pendant la campagne, vous n’avez pas ménagé vos attaques contre Marine Le Pen…
Bien sûr. Mais comme vous le dites, c’était la campagne. Moimême, je n’ai été ménagé par personne ! Marine Le Pen a repris contre moi tous les arguments de la gauche. Elle est allée jusqu’à dire que j’étais entouré de nazis ! Faut-il rester bloqué sur des petites phrases prononcées de part et d’autre ? Je ne le crois pas.
Relever que le « nom de Le Pen est associé à l’échec pour la huitième fois » ,ausoirdu premier tour, ce n’était peutêtre pas la meilleure façon de préparer l’union…
On ne doit jamais regretter d’avoir dit la vérité.
N’était-ce pas, a minima, une erreur stratégique ?
Il faut savoir dépasser ce genre de choses. Regardez à gauche : ils ont été sans pitié les uns avec les autres pendant la campagne. Mais aujourd’hui, ils sont unis. Pourquoi, à droite, ne sommesnous pas capables de faire la même chose ? C’est d’autant plus regrettable que la Nupes réactive le clivage gauche-droite.
À Nice, le frontiste Philippe Vardon a été privé d’investiture parce qu’il réclamait, comme vous, des candidatures d’union. S’il quitte le RN, ou s’il est exclu, vous êtes prêt à l’accueillir ?
Bien sûr. C’est un homme de conviction, intelligent et cultivé. S’il le souhaite, nous l’accueillerons les bras ouverts. Nous sommes sur la même ligne.
de 2017, Philippe Lottiaux (RN), directeur général des services à la mairie de Fréjus. Au demeurant, Zemmour n'avait pas vraiment le (Photo Frank Muller)
Dans les Alpes-Maritimes, Reconquête ! ne présente pas de candidat dans la circonscription d’Éric Ciotti (LR). Est-ce lui qui vous l’a demandé ?
Pas du tout. Nous avons voulu faire un geste pour montrer que nous étions unitaires. C’est pour cela que nous n’avons pas présenté de candidat contre Marine Le Pen, Nicolas DupontAignan et Éric Ciotti.
Un mot sur la présidentielle. Franchement, vous vous attendiez à un score aussi faible (7,07 %) ?
Au début du mois de février, lorsque nous dépassions Marine Le Pen, évidemment pas ! C’est la guerre en Ukraine qui a rebattu les cartes. Notre dynamique a été cassée.
Votre première réaction, appelant à ne pas accueillir les réfugiés ukrainiens, ne manquait-elle pas d’humanité ? Je pense qu’elle était maladroite sur la forme. Je n’ai aucune difficulté à accueillir ces Européens qui sont catholiques et partagent notre culture occidentale. Ce que je ne voulais pas, c’est que cela serve de prétexte pour recevoir n’importe qui ! Je souhaitais que l’émotion n’emporte pas toute capacité de réflexion.
Songez-vous déjà au match retour de 2027 ?
[Il éclate de rire] C’est un peu tôt ! Mais je suis là pour inscrire mon mouvement dans la durée.
1. Le maire de Cogolin, qui a quitté le FN en 2017, l’a rejoint en février.
2. Pour former un groupe à l’Assemblée nationale, il faut au moins quinze députés.
dernier baromètre Opionway pour
Les Échos, il n'obtiendrait que 5 % des suffrages au niveau national – en deçà des 7,07 points arrachés le 10 avril.
Les projections en nombre de sièges au Palais Bourbon ne lui promettent qu'un ou deux élus, contre plusieurs dizaines pour les « frères ennemis » du Rassemblement national. Le fait de descendre luimême
PROPOS RECUEILLIS
PAR LIONEL PAOLI lpaoli@nicematin.fr
dans l'arène le remet en pleine lumière. Il peut espérer que cette exposition médiatique profitera aux 555 candidats qui vont porter ses couleurs. Mais cette stratégie peut se révéler à double tranchant.
S'il est élu, Éric Zemmour retrouvera une tribune qui lui permettra de continuer à exister sur la scène politique. S'il est battu, cet admirateur de Napoléon devra remiser ses rêves de grandeur, tombant à Waterloo sans avoir jamais vu se lever le soleil d'Austerlitz.
« Le fait de descendre dans l’arène remet Éric Zemmour en pleine lumière. Mais cette stratégie peut se révéler à double tranchant. »