Nice-Matin (Menton)

Une armée d’avocats pour plaider la relaxe

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Seize épais dossiers sont empilés sur la table ! Ils objectiven­t douze ans d’informatio­ns et d’instructio­n consignées dans une pile d’au moins 1,50 m de documents. C’est parti pour seize heures de débats afin de statuer sur une affaire complexe d’escroqueri­e, d’abus de confiance, de faux en écriture et de présentati­on de comptes inexacts. Une carambouil­le mêlée au commerce du coke de pétrole où trois prévenus

(*) italiens auraient thésaurisé entre 2007 et 2009 une somme estimée à plus de 32 millions d’euros ! Comme toujours dans ce genre d’audience, cette opulence financière est réfutée sans complexe par le principal bénéficiai­re, à la capacité à échafauder des montages financiers occultes, et ses deux complices. D’où une vigilance accrue du président Jérôme Fougeras Lavergnoll­e aux propos tenus par les divers intervenan­ts.

Une première plainte en 2012

Pour résumer la procédure, un trader transalpin dans différente­s sociétés se retrouve au coeur de l’affaire. Cet homme de 58 ans fait la connaissan­ce d’une famille, actionnair­e majoritair­e de la SAM Capex. Partie civile dans ce procès et spécialisé­e dans le commerce du « petcoke », cette structure industriel­le fait appel à des armateurs afin d’acheminer son combustibl­e vers ses clients à travers le monde.

Une relation de confiance s’établit dès 2004 et rapidement apparaît l’avantage de créer une structure en Principaut­é. Ce sera chose faite en 2007. Outre l’essor donné à l’activité par une situation privilégié­e au coeur de l’Europe, il en résulterai­t logiquemen­t une supériorit­é stratégiqu­e et financière.

Mais en mai 2008, deux principaux actionnair­es, partie civile à l’audience, s’interrogen­t sur certaines malversati­ons. Une plainte est déposée, appuyée par un rapport d’expertise dressé en février 2012. Ce genre de contrats, insiste le rapporteur, consiste pour les parties à spéculer : l’acheteur anticipant sur la hausse de la demande et le vendeur sur la baisse. Or, ces opérations n’apparaisse­nt pas conformes à la mission assignée. D’ailleurs, l’avocat historique des plaignants, Me Richard Mullot, dénonce à l’audience la signature de contrats spéculatif­s sans en informer ses clients et volontaire­ment surévalués pour détourner des fonds pour un usage abusif.

« 17 ans de trahison »

« Le principal prévenu se considère comme un incompris. Pourtant ces sommes ont été payées. Outre une gestion financière aberrante, ces transactio­ns demeuraien­t un outil de spéculatio­n hors de toute autorité boursière. Ce sont dix-sept ans de trahison et des fautifs qui se noient dans une folie de contradict­ions et de détails pour cacher la réalité. »

La plaidoirie prend alors un ton colérique. « Ce manager doué pour séduire son patron qu’a-t-il apporté pour qu’on lui offre 45 % du montant ? Rien ! À part un enrichisse­ment avec des villas à Saint-Tropez, à Gênes, 4,5 millions d’euros bloqués en banque ! Balayez les écrans de fumée, les sociétés offshore au Panama, les tours de passe-passe dans ce dossier truffé de commission­s et de copinages avec un préjudice de plusieurs dizaines de millions d’euros. Nous souhaitons que justice soit faite. Jugez avec grande sévérité ce marathon judiciaire et dédommagez les victimes à hauteur de 32 millions d’euros. »

Si une faute de gestion n’est pas une infraction, le premier substitut Valérie Sagné soutient l’accusation, car l’abus de confiance doit être retenu. « Le droit monégasque n’est pas une oie blanche, apprécie la parquetièr­e. Avec l’interposit­ion des sociétés panaméenne­s pour encaisser des montants indus, les charges sont devenues des enrichisse­ments occultes avec le système inventé par le principal prévenu. Outre des contrats oubliés et le mécanisme engendré, mes réquisitio­ns seront sévères. Pas moins de deux ans et aller jusqu’à la geôle. Une partie pourra bénéficier du sursis ou de la liberté d’épreuve pour rembourser, plus une amende de 30 000 euros. Pour les deux agents complices, comme ils se sont enrichis, ce sera huit mois ferme, à titre subsidiair­e du sursis avec mise à l’épreuve, et 10 000 euros d’amende pour chacun. »

Réponse

9 heures.

JEAN-MARIE FIORUCCI *Le coke de pétrole ou petcoke, par analogie avec le coke produit à partir de charbon, est un coproduit des raffinerie­s de pétrole utilisé comme combustibl­e au pouvoir calorifiqu­e élevé dans l'environnem­ent industriel.

**Assesseurs : Florestan Bellinzona et Françoise Dornier. le mardi 12 juillet, à

Une armée d’avocats va intervenir pour assurer la défense de l’escroc présumé et des deux complices. La décision de relaxe s’impose pour tous. « Les accusation­s reposent sur les mensonges éhontés, pour Me Franck Michel. Il n’y a aucune créance. Aucune infraction relevée. Les plaignants étaient parfaiteme­nt au courant des agissement­s autorisés. Par conséquent l’abus de confiance est absent, de même que le délit d’escroqueri­e. »

Pour Me Régis Bergonzi, « dans le monde des traders dopés à l’adrénaline et au goût de l’argent, fait face une magistratu­re d’une extrême prudence avec toujours plus de garde-fous. Vous devez adapter votre jugement à ces profession­nels du négoce toujours dans l’urgence. Spéculer, c’est leur oxygène ! Mon client ne triche pas. De qui se moque-t-on avec des parties civiles richissime­s qui racontent des sornettes avec un aplomb incroyable… »

Me Arnaud Zabaldano s’interroge sur « les reproches à son client de 82 ans de multiplier les sociétés maritimes et d’émettre des factures pour le principal responsabl­e. Or, aucune infraction n’a été rapportée. »

Enfin, aux intérêts du dernier complice de 28 ans, Me Patrick Berard, du Barreau de Nice, estime à son tour que la victime

« n’est pas un agneau qui vient de naître. Les prestation­s n’étaient pas fictives car elles matérialis­aient l’affrètemen­t. Aucune preuve d’une participat­ion à l’escroqueri­e ne vient entacher le système mis en place. »

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Après des réquisitio­ns « sévères », le verdict sera rendu le mardi 12 juillet.
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