Nice-Matin (Menton)

« Dire ‘‘sois le 1er partout’’ résume les conflits actuels »

Anne Sénéquier, psychiatre et chercheuse varoise, co-signe un nouvel ouvrage pour rendre la géopolitiq­ue accessible à tous et saisir les grands enjeux mondiaux. Comme ceux plus personnels.

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Pourvue de ses multiples casquettes de médecin psychiatre, pédopsychi­atre, chercheuse à l’Iris (Institut de relations internatio­nales et stratégiqu­es) et intervenan­te pour Médecins sans frontières ou Médecins du monde, le Dr Anne Sénéquier est devenue, crise Covid aidant, une abonnée des plateaux télé.

Loin des froids studios parisiens et de leurs séances de décryptage, c’est en pleine campagne cogolinois­e que l’on retrouve la Varoise, le temps d’un séjour familial dans la maison d’enfance postée en bordure de vigne, au rythme du chant du coq. Les salutation­s faites à l’ancien maire de Cogolin, Jacques Sénéquier, son père désormais fort occupé sur ses terres, l’entretien fourmillan­t peut commencer autour de son dernier ouvrage, La Géopolitiq­ue tout simplement (éditions Eyrolles, 304 pages). Trente-trois chapitres cosignés avec l’expert en la matière, Pascal Boniface, par ailleurs fondateur-directeur de l’Iris.

Quelle est la ligne directrice de cet ouvrage que vous avez initié ?

Plutôt que d’asséner des vérités, l’idée était de rendre la géopolitiq­ue accessible à toute la famille. Apporter une base structurée sur chaque thématique afin d’aller ensuite faire du lien avec d’autres choses et construire sa propre pensée.

Avec le recul, si vous deviez retoucher l’ouvrage ? J’approfondi­rais sur la pensée occidental­e au regard du monde. On se rend compte que l’on se fourvoie beaucoup à ce sujet. Le conflit russo-ukrainien l’illustre très bien. Lorsqu’on dit « Tout le monde condamne la Russie », c’est surtout nous, les Occidentau­x ! M. Poutine, qui n’est pas si

« isolé » que cela, joue sur cette géopolitiq­ue de l’émotion, ce ressenti très fort contre l’Occident, qui reste aveugle et vit dans une bulle sur nombre de sujets, de la colonisati­on à l’ingérence, en passant par la répartitio­n mondiale des vaccins Covid. Aujourd’hui, si on doit se faire vacciner 26 fois, c’est parce que des variants émergents sortent des régions où justement les population­s ne sont pas vaccinées faute d’approvisio­nnement, avec des doses d’abord destinées à nous, occidentau­x ! Le premier résultat de tout ce ressenti, ce fut la claque des tours jumelles, le 11 septembre 2001.

Vous parlez du virus, mais le tourisme, traité dans un des chapitres, n’est-il pas aussi à sa manière un « parasite » qui détruit ? En tout cas, il va falloir le raisonner. Des programmes comme ceux de l’Unesco, avec des sites classés en péril, y contribuen­t. En même temps, le tourisme, c’est aller à la rencontre de l’autre. Avoir de la curiosité et cette envie de partage, plutôt que s’isoler. Il faut donc le préserver, car sans ces notions, quel avenir pour la coopératio­n à l’échelle mondiale ?

Il est commun de dire que nous sommes

« trop nombreux » sur Terre. Comment faire, sans entrer dans un modèle autoritair­e ?

Si l’on veut que cette transition démographi­que se fasse, il faut répondre aux inquiétude­s des gens et comprendre le

« pourquoi ». Il se trouve que dans les pays où la Sécurité sociale et le système de retraite n’existent pas, ce sont les enfants qui demeurent le « pilier » et assurent ce rôle de prise en charge des vieux jours de leurs parents. Il y a aussi énormément de grossesses qui ne sont pas souhaitées. L’accès à la pilule ou à l’IVG est loin d’être un droit pour tout le monde, voire même était proscrit des programmes humanitair­es financés par USAID sous Trump...

Un avis sur notre santé mentale depuis 2020 ? Mauvaise... Je le vois en consultati­on. L’espace de liberté résiduel par rapport à une accumulati­on de contrainte­s se réduit. L’idée, c’est de trouver dans toutes ces contrainte­s, hormis la pandémie ou la guerre bien entendu, celles sur lesquelles on peut modeler les choses et avoir un impact. Mieux gérer son emploi du temps pour éviter le stress au quotidien, questionne­r son travail. Plaît-il ? Fait-il sens ? Vais-je continuer comme ça encore trente ans ? L’objectif, c’est de questionne­r chaque détail de sa vie au quotidien pour tenter de retrouver un peu plus d’espace. Surtout, ne pas vouloir tout changer d’un coup, car c’est le meilleur moyen de se planter et de retomber dans les mêmes problémati­ques.

Poutine joue sur la géopolitiq­ue de l’émotion ”

Agir face à un espace de liberté qui se réduit ”

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