La « French Connection » saison 2 de François Missen
Le journaliste d’investigation, co-lauréat du prix Pulitzer et prix Albert-Londres, multiplie les révélations. Infatigable baroudeur de l’info et chasseur de scoops. Rencontre dans le
Carte de presse n°19 269. Un livre d’histoires à lui seul. Des anecdotes par dizaines. Entre Le Beausset (Var), où il a posé ses valises il y a deux ans, et Cuba, où il séjourne régulièrement, le journaliste d’investigation et reporter François Missen multiplie les projets. Seul au monde à être à la fois co-lauréat du prix Pulitzer (en collectif) en 1973, pour sa couverture du démantèlement de la French Connection, et récipiendaire du prix Albert-Londres, en 1974, pour sa couverture des guerres du Vietnam, d’Irlande et du Kippour, il reste un éternel baroudeur de l’info et un chasseur de scoops ! À bientôt 90 ans, ce passionné de boxe, de jazz, et amoureux de Cuba, se confie.
La French Connection !
Quand même !
J’ai sorti toute l’histoire sur l’exportation d’héroïne aux ÉtatsUnis depuis Marseille à la fin des années 1960 dans Le Provençal. Importée en France depuis l’Orient, la morphine base issue du pavot était transformée en héroïne dans des laboratoires implantés notamment dans des villas en Provence, puis expédiée aux États-Unis et au Canada par différents canaux. Les trafiquants français étaient les principaux fournisseurs des organisations criminelles américaines.
En France, la prise de conscience du danger de l’héroïne s’est faite tardivement ?
Les trafiquants de la région, qui fabriquaient de l’héroïne pour l’exporter au États-Unis depuis les années 1930, ont commencé à en vendre en France dans les années 1960. L’événement majeur qui a fait prendre conscience de la menace a été le décès par overdose, le 26 août 1969, de Martine, une jeune fille de 17 ans qui a été retrouvée morte, dans les toilettes du cinéma casino de Bandol. Tout près d’ici. Un séisme.
La presse se faisait-elle l’écho des dégâts de l’héroïne ?
À ce moment-là, il y avait tous les jours des morts par overdose à Marseille. J’écrivais des papiers sur le sujet mais j’avais du mal à les publier. Il y avait des truands au Provençal… les gardes du corps du patron du journal, Gaston Defferre. Il ne fallait surtout pas parler de la drogue en France…
Comment avez-vous eu le premier scoop ?
Un jour, le consul américain à Marseille, Philippe Chadburn, un « play-boy CIA » qui avait fait le Vietnam et avec qui je jouais au tennis, m’a proposé de me faire rencontrer le patron des narcotiques à Paris…
Des révélations explosives ? John Cusack, représentant du
Bureau of narcotics and dangerous drugs (BNDD) m’a alors fait des révélations en mettant en cause des trafiquants français qui bénéficiaient de protection, des hommes politiques, des banquiers impliqués… et la passivité de la police française devant la prolifération des laboratoires clandestins de transformation de l’héroïne. C’était explosif. J’ai écrit six papiers publiés dans Le Provençal. Et on a sabré le champagne avec John Cusack, qui s’attendait à être expulsé. Le début de l’affaire…
Cela a signé la fin des trafics ? Georges Pompidou - qui de retour en avion d’un sommet aux Açores se serait fait traiter de con, comme on me l’a rapporté, par le président américain Richard
Nixon - a demandé à son Premier ministre d’agir. Le commissaire Marcel Morin a alors été chargé, en juillet 1971, par le ministre de l’Intérieur de l’époque, Raymond Marcellin, de s’attaquer à la French Connection qu’il démantèlera en 1973-1974. Pour l’anecdote, à l’époque, le quotidien américain Newsday a envoyé une équipe de 18 journalistes. Ils logeaient au Lavandou, dans une villa et ont été dénoncés comme trafiquants (rires) !