Faut-il boycotter le
Comme Lille, Bordeaux ou Marseille, la ville de Paris vient de sortir le carton rouge, décidant de boycotter l’événement. Il n’y aura ni fan zones ni retransmissions sur écrans géants.
Paris, Marseille, Bordeaux, Nancy, Reims, Strasbourg, Lille ou Rodez : la liste des villes refusant, pour des raisons humanitaires et environnementales, de promouvoir les rencontres du Mondial de football au Qatar (du 21 novembre au 18 décembre), s’allonge chaque jour. Exit les fan zones. Nice et Cannes décideront, elles, de retransmettre ou non sur écrans géants « en fonction des résultats ». Diffuser?« Je vous propose de me reposer la question si la France est en finale ou en demi-finale », a répondu Christian Estrosi (lire page suivante). Boycotter cette Coupe du monde : débat éthique ou démagogique ? Thibaud Leplat, philosophe, journaliste et auteur installé à Nice, a son idée sur la question (lire page suivante) : « Non, il ne faut pas la boycotter. Et c’est parce qu’on ne la boycotte pas qu’on sait précisément tout ce qu’il s’y passe. »
« Catastrophe humaine et environnementale »
Cet amateur de foot rappelle qu’une grande organisation humanitaire comme Amnesty International n’a pas appelé au boycott, pour cette raison. « Si elle-même ne le prône pas, je ne vois pas pourquoi, à titre individuel, on devrait chacun se flageller dans son coin et s’empêcher de regarder. » Le maire socialiste de Marseille, Benoît Payan a, lui, qualifié la compétition de « catastrophe humaine et environnementale ». Au Nord, à Lille, la maire socialiste, Martine Aubry, avait dénoncé samedi un « non-sens au regard des droits humains, de l’environnement et du sport ». Parmi les raisons de ce boycott, réclamé par certains, figurent le traitement des travailleurs immigrés et le nombre de décès dans le cadre de la construction des huit stades du Mondial.
« Accompagner les évolutions, pas boycotter »
Pourquoi ce débat émerget-il douze ans après la prise de décision ? Pour Thibaud Leplat, la raison est simple : la génération des Millenials a, entre-temps, porté la question écologique sur le devant de la scène. La prise de conscience du réchauffement climatique, avec les grandes catastrophes de ces dernières années, dont la tempête Alex, a également certainement joué. La Fédération française de football (FFF), de son côté, a indiqué travailler avec plusieurs autres fédérations à un fonds d’indemnisation des victimes d’accidents du travail sur les chantiers de la Coupe du monde au
Qatar. C’est ce qu’a annoncé hier son vice-président délégué, Philippe Diallo. Il a exprimé la volonté « d’accompagner les évolutions, et pas de boycotter ».
Un État en position de force sur la scène internationale
L’idée d’un fonds d’indemnisation des ouvriers ayant travaillé sur les chantiers de la compétition a été portée ces derniers mois par plusieurs organisations de défense des droits humains, qui ont appelé les sponsors du Mondial à soutenir l’initiative. Et le Qatar ? L’État est en position de force sur la scène internationale. Il supplée en effet les besoins en gaz, alors que la Russie a coupé le robinet d’approvisionnement. Il rejette vigoureusement les critiques sur son inaction quant aux droits des travailleurs, se félicitant notamment de l’instauration d’un salaire minimum et de l’assouplissement de la dépendance des travailleurs vis-àvis de leurs employeurs.
Si le bilan officiel n’est que de trois morts, l’Organisation internationale du travail (OIT) a fait état dans un rapport de 50 travailleurs décédés dans des accidents du travail au Qatar en 2020 et de 500 blessés graves. Un chiffre qui pourrait être bien plus élevé. GRÉGORY LECLERC (avec AFP)
Êtes-vous pour une éthique de conviction ou de responsabilité ?
Ces thèmes viennent d’une célèbre conférence de Max Weber.
Une éthique n’est pas une morale, attention. C’est un ensemble d’actions qui obéissent à des règles. L’éthique de conviction, c’est considérer que les convictions individuelles priment. Qu’on a sa propre conception de la vérité.
Et que ces principes priment sur tout le reste, le monde dût-il en périr. L’éthique de responsabilité, c’est l’éthique politique par excellence. C’est considérer que, certes, on a un certain nombre de principes, mais qu’on va essayer de les mettre en oeuvre de la manière la plus efficace possible. Une forme de pragmatisme (...). Je suis plutôt du côté de l’éthique de responsabilité. Dans le cadre de la Coupe du monde au Qatar, l’éthique de responsabilité me semble beaucoup plus efficace, dans la mesure où les fins qu’on poursuit, c’est une amélioration globale de la situation des travailleurs, par exemple. L’éthique de conviction se résume en éteindre la télé, regarder autre chose, et faire des pique-niques festifs qui se détournent complètement de la réalité.
Le foot, son universalité, c’est ça qui permet de réunir tout ce dont on vient de parler, les valeurs, la responsabilité, ouvrir les yeux, etc.
Le foot est tout indiqué pour ça ? C’est la grande solution et le grand problème. Universalité ne veut pas dire uniformité. 3,5 milliards de téléspectateurs, la moitié de la population mondiale, va s’arrêter et regarder ce qu’il s’y passe. Quand vous avez une telle quantité de personnes, il ne peut y avoir que des désaccords, différentes conceptions. PROPOS RECUEILLIS PAR
GRÉGORY LECLERC > Retrouvez l’interview intégrale sur www.nicematin.com
(Photo Franz Chavaroche)
secouée de sanglots, « j’ai découvert la haine. Et il n’y a rien de pire. Vous ne pouvez pas comprendre l’intensité de la haine que je ressens envers le conducteur et envers moi, car j’ai voulu l’aider, car j’ai pensé à sauver ma peau ».
« Voilà, j’ai peur de ne pas pouvoir oublier la haine. Le camion ne m’a pas tuée, mais j’ai l’impression qu’il a écrasé mon humanité », pleure Juliette.
STÉPHANIE GASIGLIA sgasiglia@nicematin.fr