Nice-Matin (Menton)

FOOTBALL LIGUE EUROPA / MONACO - TRABZONSPO­R, DEMAIN À 18H45 Embolo : « Être pro

Arrivé cet été sur le Rocher après six saisons en Allemagne, Breel Embolo a pris le temps de se confier sur son enfance, son parcours et ses débuts particuliè­rement réussis avec l’ASM.

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Acheté 12,5 millions d’euros cet été à Mönchengla­dbach, Breel Embolo est déjà incontourn­able à Monaco, avec qui il a inscrit dimanche contre Nantes, son quatrième but de la saison et délivré sa deuxième passe décisive. Très généreux sur le terrain, l’internatio­nal suisse de 25 ans l’est tout autant en interview. Vendredi, à son retour de sélection, il s’est livré pendant près d’une heure sur son enfance, son évolution, ses ambitions, ses valeurs et cette capacité, assez rare de nos jours, à toujours voir le positif.

Deux buts avec la Suisse cette semaine, des débuts réussis avec Monaco. Êtesvous dans la meilleure forme de votre vie ?

Je ne pense pas. Le dire équivaudra­it à me mettre des limites ou à être dans l’auto-satisfacti­on de ce qu’il vient de se passer ces dernières semaines. Ce serait un peu bête et naïf. J’ai pris la décision de changer de club pour sortir de ma zone de confort. J’ai fait six ans en Allemagne. J’avais besoin de nouveauté, de retrouver une certaine fraîcheur, me confronter à une autre concurrenc­e.

J’ai 25 ans, j’espère que le meilleur est à venir. Ce début de saison ne se passe pas trop mal (il sourit). Mes choix paient et je suis très heureux d’être ici.

Vous donnez le sentiment d’avoir toujours connu la L1 et ses exigences.

C’est un championna­t que j’ai toujours bien aimé regarder. À mon arrivée ici, onm’adit: « Tu as le soleil, tu as tout pour être concentré mais tu as aussi tout pour ne pas l’être. Ça dépend de toi et de ce que tu veux ». C’est un discours qui m’a plu. Quand je m’entraîne, je le fais pour moi, pas pour ma mère, le coach ou le directeur sportif. J’ai entendu qu’à Monaco il y a les yachts, la fête, mais il y a surtout un super centre d’entraîneme­nt, des conditions parfaites pour travailler et des gens qui font tout pour que vous vous sentiez à l’aise.

Collective­ment, quelle note donneriez-vous au début de saison de Monaco ?

(Il réfléchit) C’est très dur à dire. Il y a eu cette éliminatio­n de la course à la Ligue des Champions (contre le PSV Eindhoven) qui n’était selon moi pas méritée et a été très dure à avaler. Mais on a montré une bonne réaction. Les matchs qu’on a perdus, on les a perdus à dix avec des décisions arbitrales difficiles à accepter. On sait qu’on peut faire plus, mais on n’a pas non plus raté nos débuts. Globalemen­t on est sur une bonne lancée. On travaille dur, on a à coeur de construire quelque chose de fort collective­ment.

D’où vient ce sourire qui ne vous quitte jamais ? Je crois qu’on est tous un peu bénis de faire ce métier, de vivre cette vie. Il faut en être conscient. Bien sûr, on a beaucoup de pression de l’extérieur, des fans, des médias, du club. Ça peut être difficile pour certains. Moi, je le prends très positiveme­nt. Un match gagné, ça rend tellement de gens heureux. À l’inverse tout va tellement vite dans le foot, qu’une défaite est accompagné­e de beaucoup de négativité. Je trouve ça dommage. Tu peux perdre en faisant un bon match. Il peut y avoir des faits de jeu contraires. On peut aborder la rencontre avec une tactique et tomber sur un adversaire qui avait une meilleure solution.

Il y a plus grave.

Comment avez-vous fait pour rester authentiqu­e dans un monde si spécial ? Je ne pense pas être le même Breel qu’il y a trois ou cinq ans. On s’adapte, on grandit, c’est normal. Mais je reste très attaché aux valeurs familiales qu’on m’a transmises et que je souhaite aussi apprendre à mes enfants (une fille et un garçon de 4 et 2 ans). Être heureux, respectueu­x, aimer ce qu’on fait et le faire à 100 %. Ce sont des bases qui ne dépendent pas de ce que tu fais ou de ce que tu as.

Comment le football est-il arrivé dans votre vie ?

À l’école, comme beaucoup d’autres enfants. Je n’avais pas trop envie de m’inscrire dans un club comme mes copains mais je me suis laissé convaincre. C’était très dur quand j’ai dû quitter Nordstern Bâle, mon premier club. Je ne voulais pas comprendre que j’avais les qualités pour aller plus haut. C’était un loisir pour moi. D’ailleurs, deux semaines après avoir rejoint le centre de formation bâlois, j’ai tout stoppé.

Pourquoi ?

Quand j’arrive à Bâle, tout est pro. Tu t’entraînes quatre fois par semaine, ça change complèteme­nt. Ça a été un choc. J’ai toujours été un peu dur quand j’étais jeune. J’avais un sale caractère. Quand on perdait, je partais le premier, et ça m’arrivait de ne pas revenir pendant une semaine. Je n’aimais pas les défaites, je n’aimais pas les règles. Ce n’est pas comme dans la cour de l’école où je pouvais décider quand j’en avais marre, quand arrêter. Devenir footballeu­r profession­nel n’était pas un rêve. Le foot, c’était cool, ce que faisait le Camerounai­s Samuel Eto’o, c’était ‘‘wahou’’ mais moi je jouais au foot, simplement parce que c’était normal. Tout le monde le faisait. C’est vers l’âge de 14-15 ans qu’un coach m’a dit : «Situnefais pas le con, tu as le talent pour devenir pro ». C’est là que j’ai réalisé que je n’étais pas loin. À partir de là, j’ai beaucoup progressé, j’ai appris à respecter tout ce qu’il y a en dehors du terrain : bien se préparer, s’échauffer, ne pas sortir, venir à l’heure. C’est ce qui a fait la différence. J’ai eu des amis super forts qui ne jouent plus du tout aujourd’hui. Après, c’est allé très, très vite, j’ai signé pro à 16 ans, j’ai fait mes débuts à 17, et aujourd’hui je me retrouve ici à faire cette interview (sourire).

Votre famille n’a pas été effrayée ?

Si, très (rires). Quand j’ai dit à ma mère qu’on nous invitait pour parler d’un contrat, elle n’a pas très bien compris. Elle ne réalisait pas. Je trouve ça tellement bien. C’était mes affaires, elle ne s’en est jamais mêlée et ne s’en mêle pas plus aujourd’hui d’ailleurs. Je devais juste ramener des bonnes notes (rires), avoir un comporteme­nt irréprocha­ble. Quand j’ai signé mon premier contrat pro, la première chose qu’elle m’a dit, c’est : « Tu vas finir ton apprentiss­age ».

Dans quel domaine ? Employé de bureau à la

Fédé de foot. Je devais commencer en été et j’avais signé pro en février. En moins de 16 ans, ça allait mais après j’ai basculé avec l’équipe première. C’était une autre vie. Le mercredi tu es en Ligue des Champions, tu n’arrives pas à dormir avec l’adrénaline et le lendemain à 9h, tu es devant l’école, où les gens commencent à te regarder bizarremen­t, à prendre des vidéos. C’était compliqué mais je suis content d’avoir pu aller au bout et d’avoir rendu ma mère fière.

C’était d’abord l’école, et après le foot”

Entretien réalisé par Leandra IACONO Photos :

Cyril Dodergny

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