Nice-Matin (Menton)

Dans les pas d’un sourcier, plus sollicité que jamais

Dans les Alpes-Maritimes, l’eau manque, et nombreux sont ceux qui se tournent vers des sourciers. Même si leur « pouvoir » n’a jamais été démontré scientifiq­uement, on a suivi l’un d’entre eux.

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Alors non, Bruno Capus ne tape du pied ou ne rentre pas en transe. Il n’a pas de cailloux dans la main qu’il agite et il ne passe pas cette dernière au-dessus du sol pour sentir la présence de l’eau des dizaines de mètres sous terre.

Bruno Capus est sourcier depuis bientôt 10 ans. Et s’il est du genre discret, en ce moment, le quotidien de ce quadragéna­ire azuréen est pour le moins rempli. Des Alpes-Maritimes à l’Ardèche en passant par les Alpes-deHaute-Provence ou encore le Var, il multiplie comme rarement les déplacemen­ts. Partout, une même mission : détecter l’eau sous terre. Car le constat ne varie pas d’un départemen­t à l’autre : l’eau manque.

L’année la plus sèche jamais observée dans les Alpes-Maritimes

Dans les Alpes-Maritimes, l’année hydrologiq­ue qui vient de s’écouler a été la plus sèche jamais observée, battant un record vieux de plus de 30 ans. Seuls 620 mm de pluie sont tombés ces douze derniers mois. Malgré les récentes averses, plusieurs bassins du départemen­t oscillent toujours entre les seuils d’alerte et de crise à la sécheresse.

Cette absence de pluie, Françoise n’a pu que la constater, à ses dépens. Perdue sur les hauteurs de Puget-Théniers, et accessible après un long et sinueux chemin caillouteu­x à travers la forêt, l’ancienne bergerie centenaire où elle vit en autonomie pour les beaux jours a basculé dans l’inédit.

Un captage qui se tarit pour la première fois

Le captage d’eau niché dans un vallon s’est tari. Une triste première pour cette Azuréenne qui s’est résolue à contacter un sourcier. Elle ne l’a pas appelé par hasard. De l’eau, elle sait qu’il s’en écoule sous ses pieds. «Mon grand-père me disait que ses ancêtres avaient l’eau qui coulait dans les écuries », explique-t-elle.

De l’eau, Bruno Capus sait aussi qu’il y en a. Pas au doigt mouillé, mais grâce aux recherches menées en amont. À sa casquette de sourcier magnétiseu­r, cet ancien sapeur-pompier volontaire ajoute celle d’ingénieur. Avant de se déplacer, il dresse un rapport d’une dizaine de pages.

Celui-ci consiste en une observatio­n géologique, hydrologiq­ue et topologiqu­e des lieux, basée sur des données cartograph­iques et les notices du Bureau de recherches géologique­s et minières, le BRGM. « On va accroître le taux de réussite sur un forage et dès le premier rapport, ça peut me permettre de dire ‘‘on ne va pas forer’’», indique-t-il. Plus surprenant, ce travail à distance « de détection de failles, de fractures dans lesquelles l’eau circule », il le conforte avec son pendule qu’il tend au-dessus… d’une tablette.

Alors, au moment de poser son sac dans le jardin de Françoise et d’en sortir des piquets bleus et sa baguette de sourcier en PVC, il sait où il doit chercher. Le travail ne prend qu’une poignée de minutes. Sans cérémonial. « Il y a beaucoup de théâtralis­ation de la part de certains sourciers », reconnaît-il. « Certains vont faire de grands gestes, taper du pied. Moi je compte mentalemen­t ».

Quelques allers-retours à travers la parcelle, une baguette qui se met à pointer vers le sol et des piquets plantés lui permettent de peaufiner le périmètre du forage. Vient le tour du pendule, pour définir débit et profondeur. C’est là qu’on finit de basculer dans le paranormal.

« Je ne sais pas trop pourquoi, je ne sais pas trop comment »

Pour lui, il est question de convention mentale. «Je lance le pendule et je me dis : (Photo Pierre Peyret) lorsque j’atteindrai le débit de la source, à ce moment-là, mon pendule se mettra à tourner. » Cette convention, lui-même le reconnaît, « n’a pas forcément d’explicatio­n ». « J’accède à une informatio­n, je ne sais pas trop pourquoi, je ne sais pas trop comment », tente de formuler celui qui a découvert la sourceller­ie en 2013, après avoir testé un peu par hasard une baguette que possédait une tante. Françoise, elle, est surtout confortée dans son opinion. « Cela correspond à ce que mon grand-père m’avait dit », glisse-t-elle, toutefois surprise par la profondeur annoncée. «Ilyadel’eauàenviro­n 100 mètres de profondeur pour un débit de 3 et 4 m3 par heure », indique en effet Bruno Capus, qui estime aussi, avec l’habitude, le coût du forage : entre 13 000 et 15 000 euros.

Certains fortunés cherchent de l’eau pour leur piscine

Cette recherche, c’est un cas typique, indique-t-il. « C’est une personne qui vit en dehors de tout raccordeme­nt et qui veut être autonome », poursuit-il. Les jours précédents, il s’était rendu sur les hauteurs de l’arrière-pays pour un même cas de figure. « Des particulie­rs qui voulaient s’isoler ». Pour d’autres, la quête d’eau est primordial­e. « J’ai visité un gîte qui dépend d’une source d’eau et ils ne savaient pas s’ils allaient pouvoir terminer la saison », illustre-t-il. Il arrive cependant à Bruno Capus de se déplacer chez des personnes fortunées, pour des personnes qui veulent alimenter leur piscine par exemple. S’il intervient malgré tout, il prône auprès d’elles la sobriété.

Un usage raisonné qu’il tient à rappeler dans les rapports de pré et post-recherche qu’il remet à ses clients. Avant de laisser la main aux foreurs.

PIERRE PEYRET ppeyret@nicematin.fr

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Bruno Capus est sourcier magnétiseu­r depuis bientôt 10 ans. Avec sa baguette, il délimite le secteur concerné.

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