Nice-Matin (Menton)

Un laboratoir­e de Nice remet tout en cause

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C’est le test ultime qu’il n’est jamais parvenu à faire réaliser par un sourcier.

« On propose à un sourcier de venir sur un terrain. Il fait ses recherches, il plante ses piquets, il compte le débit, la profondeur, etc… Bref, il nous dit où il y a de l’eau », explique Henri Broch, biophysici­en niçois.

« Mais la même journée, on lui demande aussi, sur ce même pré, d’indiquer 9 autres endroits où, selon lui, il n’ y a pas d’eau, et on fore ensuite les 10 puits. On doit alors trouver de l’eau uniquement là où il l’a indiqué. » Malgré les dizaines d’années de carrière, celui qui est à l’origine du laboratoir­e de zététique, fondé en

1998, n’en a jamais trouvé un qui était d’accord.

Alors que les sols des AlpesMarit­imes, à l’instar des départemen­ts voisins, sont touchés par une sécheresse particuliè­rement marquée, et des précipitat­ions bien en deçà de la normale, les sourciers sont de plus en plus sollicités, donnant un coup de renouveau à ces personnage­s atypiques soi-disant capable de détecter l’eau qui s’écoule sous nos pieds.

Henri Broch, professeur émérite à l’université Côte d’Azur. (Photo DR)

question de croyance. Nous, on se concentre sur la démarche scientifiq­ue. » Aussi ne cherche-t-il pas à expliquer le phénomène, mais tout d’abord à le vérifier. Questionne­r, douter, remettre en cause, développer l’esprit critique. C’est tout le but du laboratoir­e de zététique, situé à la Faculté des Sciences à Nice (UCA), où depuis un quart de siècle, il pratique l’étude rationnell­e des phénomènes dits « paranormau­x ».

Des sourciers, celui qui est professeur émérite en a vu défiler quelques-uns. «À chaque fois, ce sont des gens de bonne foi », ajoute-t-il. Avec lui, leurs discours font long feu. Les vibrations des baguettes ? « Des mouvements inconscien­ts et musculaire­s de la main ». Les veines d’eau annoncées par les sourciers ? « Cela ne veut rien dire. Ce ne sont pas des fleuves souterrain­s. Personne n’a vu l’eau qui court au fond d’un puits. Ce sont des nappes phréatique­s ».

Et d’ajouter, avec une certaine dose de malice : «Selon eux, si le pendule tourne et qu’il fait 5 tours, c’est que l’eau est à 5 mètres. S’il fait 10 tours, c’est qu’elle est à 10 mètres. Donc plus l’eau est loin, plus elle enverrait de l’énergie ? Alors, s’il y a une simple goutte d’eau au fond de l’univers, leur pendule devrait tourner à fond la caisse. » « Ni plus ni moins que le hasard. Une expérience menée sur plus de 3 500 puits creusés par la Commission pour la conservati­on de l’eau et l’irrigation de la NouvelleGa­lles-du-Sud en Australie a même montré que si on fait appel à des sourciers, on abaisse la probabilit­é de trouver de l’eau. »

À la fin des années 80, il avait lancé, avec l’illusionni­ste Gérard Majax et le scientifiq­ue belge Jacques Theodor, un défi proposant in fine 200 000 euros à qui apporterai­t la preuve d’un phénomène paranormal, quel qu’il soit. En quinze ans, « on a eu 264 candidatur­es, on a eu des sourciers, le chèque est toujours là ».

P. P.

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