Nice-Matin (Menton)

Déjanire : grande soirée à l’Opéra, le 14 mars 1911

Création d’un ouvrage de Saint-Saëns qui sera redonné, dimanche 16 octobre, dans le cadre de la célébratio­n du centenaire de la mort du prince.

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Ce soir là, le 14 mars 1911, on assista sur la place du casino à un grand ballet de calèches, de fracs et de robes longues. Une grande soirée allait avoir lieu en présence du prince Albert 1er à l’occasion de la « Fête de la bienfaisan­ce » donnée par la colonie française de Monaco. Le Tout-Paris artistique s’était déplacé. On allait créer l’opéra Déjanire du grand compositeu­r Camille Saint-Saëns.

L’ouvrage avait été commandé par Albert 1er, qui était un grand ami du compositeu­r. Tous deux se rencontrai­ent à l’Institut de France, dont Saint-Saëns était le président et dont le prince de Monaco était membre associé de l’Académie des Sciences en raison de ses travaux océanograp­hiques.

Lorsqu’Albert 1er envoyait une lettre à Saint-Saëns, il lui écrivait « Mon cher confrère ».

À la suite d’Hélène

La commande de cet opéra était intervenue à la suite du succès d’un premier ouvrage de SaintSaëns, Hélène, donné en 1904 à Monaco avec l’illustre Nelly Melba (la cantatrice pour laquelle le cuisinier de Villeneuve-Loubet, Auguste Escoffier, créa sa fameuse « Pêche Melba »). Le prince avait alors écrit à SaintSaëns (lettre citée par Paule Druilhe, dans les Annales monégasque­s ): « Mon cher Confrère, au lendemain du succès remporté par Hélène sur le théâtre de Monte Carlo je vous ai dit quelle satisfacti­on ce serait pour moi de donner lors de sa création à Monaco.

votre prochaine même scène ».

Ce à quoi Saint-Saëns avait répondu : « Monseigneu­r, le théâtre ne m’attire plus, et je croyais bien, avec Hélène, lui dire adieu pour toujours ; mais comment résister au désir que Votre Altesse Sérénissim­e daigne exprimer avec une insistance si flatteuse pour moi ? Je vais m’efforcer d’y satisfaire dans la mesure de mes forces, dans l’espoir, si je n’y réussis pas pleinement, que Votre Altesse voudra bien m’accorder son indulgence ». Saint-Saëns avait 70 ans. oeuvre sur la (DR)

L’un des meilleurs ténors du monde

Six ans plus tard, Déjanire est donc créé. L’histoire est celle d’un épisode de la vie d’Hercule, lequel est considéré comme le fondateur légendaire de Monaco : au retour de l’érection des colonnes qui fermaient la Méditerran­ée au détroit de Gibraltar, il aurait fait surgir de l’eau le Rocher de Monaco.

Dans l’opéra, Hercule est à la fin de sa vie lorsque son épouse Déjanire, jalouse de le voir courtiser une autre femme, lui fait revêtir la mortelle tunique de Nessus et il ressuscite dans l’Olympe où il acquiert l’immortalit­é.

Pour incarner Hercule, le directeur de l’Opéra de Monte-Carlo, le célèbre Raoul Gunsbourg, a engagé l’un des meilleurs ténors du moment, Lucien Muratore, acclamé jusqu’aux Etats-Unis (il finira sa vie comme maire de Biot dans les Alpes-Maritimes). Déjanire sera incarnée, elle, par l’illustre soprano de l’époque, Félia Litvine. Ses admirateur­s ne se contentent pas de lui offrir des fleurs mais déposent dans sa loge des rivières de diamants !

Les décors sont de Georges Mouveau, de l’Opéra de Paris. Quant aux costumes ils sont dus à Joseph Pinchon, créateur du personnage de Bécassine.

Un succès

Le soir de la représenta­tion, tout le monde donne le meilleur de lui-même. Déjanire fait éclater sa haine d’Hercule : « C’est pour moi qu’il allait aux combats ! C’est pour me conquérir qu’il désarmait les monstres ! C’est pour me conserver qu’il frappait le Centaure ! Et maintenant, sur moi sa captive l’emporte ! Iole donnerait des frères à mes fils ! Cette esclave usurperait ma couche ».

La salle tremble.

A la fin, lorsque le choeur chante « L’invincible Hercule succombe, mais il se relève immortel » ,on croit entendre le Victor Hugo de Mazeppa (« enfin le terme arrive... il tombe, et se relève roi ! ») Toute la salle explose en bravos. Le succès est total. Gabriel Fauré louera dans Le Figaro « cette musique puissammen­t évocatrice, si pure de forme, d’une nature harmonique qui emprunte parfois aux tonalités anciennes une saveur singulière, cette musique enfin d’un coloris si séduisant, à la fois éclatant et lointain ».

Il y eut plusieurs représenta­tions. Saint-Saëns écrivit à Albert 1er : « La seconde représenta­tion a été encore plus belle que la première, les artistes plus sûrs d’eux-mêmes, n’ayant plus d’inquiétude, se sont surpassés et le public était venu prévenu en faveur de l’ouvrage qu’il allait entendre. Après le troisième acte on a fait un tapage épouvantab­le, et pour y mettre fin il a fallu que je me décide à paraître sur la scène, et même à deux reprises. Après, je me suis hâté de disparaîtr­e et de regagner l’hôtel par le souterrain. J’ai pu avoir enfin les grands tambours sur lesquels les choristes doivent frapper en criant ‘‘Hyménée !’’ Ils étaient prêts pour la première représenta­tion, mais on les avait oubliés dans un coin.

Le médecin exige que j’aille prendre un repos complet dans un endroit où je ne connaîtrai personne, afin de parler le moins possible, et je vais me cacher à Menton, peutêtre même à Vintimille pour être encore plus tranquille. Il paraît que j’ai été en danger sans m’en douter.

J’aurais pu disparaîtr­e ainsi dans l’apothéose que je dois à Votre Altesse ; c’eût été une belle fin ! » Saint-Saëns mourut dix ans plus tard, à Alger, à l’âge de 86 ans.

ANDRÉ PEYREGNE

(Photo Frantz Bouton)

Ce qu’on lit dans les romans français est assez proche de la réalité sur le plan de la méthodolog­ie. En revanche, cela va beaucoup plus vite dans les livres que sur le terrain ! », s’amuse-t-elle. Et pour ceux chez qui la lecture susciterai­t des vocations, vous trouverez les renseignem­ents utiles si vous songez à une carrière dans les forces de l’ordre.

Savoir +

Festival du Polar. Salle Deboulle, porte de France. Jusqu’à ce soir. De 10 à 18 heures. Gratuit. Saintlaure­ntduvar.fr

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