Nice-Matin (Menton)

Elle s’oppose à la chasse sur sa propriété, en vain

Tirs depuis sa terrasse, passages réguliers de chasseurs malgré son opposition notifiée et signalée… Cette habitante de a déposé plusieurs plaintes, toutes classées.

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Dans le récit de Judith (le prénom a été modifié), le mot « terrorisée » revient souvent. « Peut-être qu’un jour, je mourrai sur mon terrain. Je me demande pourquoi je suis encore en vie. Personne n’a le courage de dénoncer la chasse. Mais je suis une combattant­e, je n’abandonner­ai pas ma maison ».

Fin 2016, Judith, une Niçoise d’adoption, a acquis aux enchères et pour une bouchée de pain une bicoque située dans un quartier collinaire périphériq­ue de Breil-sur-Roya avec vue sur la vallée. À ce moment, elle pense acheter la maison de retraite de ses rêves. Pas qu’elle se lancerait dans une guerre avec les chasseurs.

« Ils ont tiré à trois mètres de ma maison »

Cette guerre est déclarée en novembre 2017, quand elle voit d’abord passer des chiens de chasse dans sa propriété traversée par un chemin rural, et entend un coup de feu tiré depuis sa terrasse. « À trois mètres de ma maison, ils ont tiré. J’étais terrorisée, je me suis mise à hurler, puis j’ai entendu une autre détonation ». Non seulement il est formelleme­nt interdit de tirer à moins de 150 mètres d’une habitation. Mais jamais Judith n’a donné le droit de chasser sur sa propriété. Première plainte.

Plaintes classées

Elle a ensuite notifié son opposition à la mairie et surtout à la société de chasse. Elle a adhéré à l’associatio­n l’Aspas et mis des panneaux interdicti­ons de chasse un peu partout. Bien qu’elle ne soit à Breil-sur-Roya qu’une partie du temps, elle surprend plusieurs fois les chasseurs qui passent. Elle s’en prend à eux. Et met des pièges photos à proximité de chez elle.

En octobre 2019, un chasseur est photograph­ié de dos, fusil à la main, à quelques mètres de sa maison. Nouvelle plainte. Elle estime avoir déposé au moins cinq plaintes, pour divers motifs. Toutes classées, comme le confirme le procureur de la République, Xavier Bonhomme, qui précise « pour diverses raisons : rappel à la loi, infraction non caractéris­ée, auteur inconnu, non-lieu. »

Enquêtes difficiles

Du coup, Judith est persuadée que les chasseurs la persécuten­t et sont protégés. Mais les enquêtes sont souvent difficiles, comme l’explique Franck Marrone, inspecteur à l’Office français de la biodiversi­té.

« On nous sollicite régulièrem­ent pour ces questions. On fait des surveillan­ces, mais on ne peut pas être là tous les jours, c’est très chronophag­e ».

Il faut également prendre les chasseurs en flagrant délit, et que l’infraction soit caractéris­ée.

Mais il y a bien eu cette photo du chasseur pris de dos, fusil à la main. À la société de chasse de Breil-sur-Roya, il se dit que personne n’a voulu “balancer”. L’associatio­n, qui a connu trois présidents en quelques années, est minée par les guerres d’ego et les conflits internes.

D’après certains chasseurs, personne n’ignore l’histoire de Judith et certains d’entre eux compatisse­nt. « C’est une équipe qui s’est réservé ce secteur », grince l’un d’eux. Fermer l’accès à sa propriété condamnera­it toute chasse sur le vallon.

« Nul n’est censé ignorer la loi »

L’actuel président, Jean-Paul Pastorelli, feint d’abord de ne pas connaître l’histoire, avant de dire

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A gauche : Judith a fini par faire appel à l’associatio­n anti-chasse Aspas. A droite : un piège photo a pris un cliché d’un chasseur, fusil à la main, à quelques mètres de sa maison.

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