Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Cloches du Var et des Alpes-Maritimes

Lorsque la municipali­té de Cannes, qui est aussi dans le Var, est rappelée à l'ordre le 2 juillet 1792, elle accepte de céder les cloches de quatre chapelles.

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reçoivent, ce qui est contraire à l'égalité » . En d'autres termes, les cloches ne doivent pas sonner plus fort pour les riches que pour les pauvres ! Cela parle des cloches que l'on conserve mais pas de celles qu'on enlève.

Alors, le gouverneme­nt s'impatiente. Et, le 23 juillet 1793, Paris publie cet impression­nant texte de loi : « La Convention nationale décrète qu'il ne sera laissé qu'une seule cloche dans chaque paroisse de France ; que toutes les autres seront mises à la dispositio­n du Conseil exécutif qui sera tenu de les faire parvenir aux fonderies les plus voisines, dans le délai d'un mois pour y être fondues en canons. » Cette fois-ci, il ne s'agit plus de monnaie mais d'armes de guerre. Ce n'est plus le même son de cloche ! A Nice, un fondeur nommé Chablance est désigné pour superviser les opérations. Monaco, devenu « Fort-Hercule », fournit pas moins de vingt cloches. Menton en collecte douze jusque dans la vallée de la Roya. Rapport d'une opération menée à Saint-Jeannet, dans les Alpes-Maritimes, rapportée par l'historien Georges Carrot : « Le 20 octobre 1793, les officiers municipaux et le procureur se rendent à la chapelle des Pénitents blancs. Ils font enlever la cloche qui est portée à la maison commune, où on constate qu'elle est du poids de 3 rups 9 livres et qu'il est écrit dessus “Ave Maria gratia plena. 1691”. Ensuite, ils vont à la chapelle Saint-Claude, où ils trouvent une cloche pesant 3 rups 8 livres, avec cette suscriptio­n “Te Deum laudamus. 1693”. Enfin, ils font descendre la cloche de la chapelle des Pénitents noirs, du poids de 5 rups 11 livres, sur laquelle est gravée cette mention : “Mater misericord­iæ. 1755”. Peu de temps après, la grande cloche de l'église est aussi envoyée au District, chargé de les transmettr­e aux fonderies voisines pour les transforme­r en canons... » On applique la loi. Mais l'histoire est ce qu'elle est. Une fois passé le temps de la Révolution vient celui de l'apaisement. On admet alors le retour des cloches dans les clochers. On refait aujourd'hui ce qu'on a défait hier. L'histoire va à cloche-pied ! Ça et là, on retrouve « miraculeus­ement » des cloches qui étaient censées avoir été données à l’État, ou qui avaient été déclarées inexistant­es ! Celles de la cathédrale de Nice avaient été cachées au couvent de Cimiez. Mais lorsque les cloches ont été réellement fondues, il faut en fabriquer de nouvelles. La famille de fondeurs niçois, les Rosina, se frotte les mains. Elle aura du travail pour des années. Napoléon arrivé au pouvoir reconnaît officielle­ment l'usage religieux des cloches mais réclame dans la loi du 8 avril 1802, « que l'évêque se concerte avec le préfet pour régler la manière d'appeler les fidèles au service divin par le son des cloches ». Il ajoute dans cette même loi : « On ne pourra faire sonner les cloches pour une toute autre cause sans permission de la police locale. »

Tout est définitive­ment rentré dans l'ordre ? Que nenni ! En 1905, arrive la loi de séparation de l'église et de l’État. Et voilà à nou- veau les cloches dans la tourmente. Un village du Var vav faire parler de lui dans la France entière : Besse-surIssole. Le 28 janvier 1907, son maire qui n'est autre que l'ancien maire surdoué de Toulon, Noël Blache, a fait prendre un arrêté : « Tout appel des cloches en dehors desde heures autorisées pour l'exercicel'exer de la religion, constituer­a un appel à la population, exécuté sur les ordres des autorités civiles ». Le 17 avril de la même année, le maire décide donc de faire sonner les cloches pour informer la population des obsèques d'un certain Louis Ollivier, âgé de 31 ans. L'ennui est que ce pauvre agriculteu­r, fauché dans la force de l'âge, a laissé un testament dans lequel il a demandé d'avoir des obsèques civiles. Le curé de Besse prend mal l'initia- tive de la mairie : on n'a pas à faire sonner les cloches pour annoncer des obsèques civiles ! L'évêque Guillibert de Fréjus lui donne raison ison et, considéran­t qu' « une insultelte auau culteculte catholique­catholique aa étéété commisecom­mise »», il décide de fermer l'église « jusqu’à ce que réparation du scandale public soit faite » . Il met l'église en grève ! Comme il ne faut jamais entendre qu'un son de cloche, Noël Blache s'adresse aux population­s : « Nous n’avons, en appelant les amis du malheureux Louis Ollivier à ses obsèques, pas plus commis « d’insulte au culte catholique » que les prêtres n’en commettent à l’encontre des libres penseurs en faisant leurs sonneries ! » Maurice Allard, journalist­e à l'Humanité, député anticléric­al de Draguignan, prend la parole pour fustiger « Guillibert, évêque en villégiatu­re à Fréjus ! ». Qui imaginait que le son de la cloche de Besse aurait des échos dans la France entière ? Le pauvre Louis Ollivier avait beau être enterré, les querelles de clocher ne le seraient pas de sitôt ! ANDRÉ PEYREGNE

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Les sonneurs risquent d'être mis au chômage !
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L'église Saint Nazaire de Sanary a récemment retrouvé sa cloche.
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Une cloche signée RosinaR i à Saint Jeannet ( (AM).) ( © DR) Le métal récupéré sert également à faire des canons. (© DR)
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Mgr. Guillibert, évêque de Fréjus, éjus, entre en guerre contre Noël oël Blache, le maire de Besse- Besse-sur-Issole.sur-Issole. (© DR)

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