Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Trop construit ?
Les inondations meurtrières relancent le débat sur l’urbanisation de la Côte d’Azur. Des solutions existent pour concilier constructions et protection des populations.
Il n’aura pas fallu longtemps pour que les inondations soient l’occasion d’un procès intenté au béton. Pour que le déluge soit érigé en juge. Châtiment divin à l’incurie des hommes. Pour que des voix nombreuses s’élèvent contre ces terres agricoles, littorales et collinaires gagnées par le ciment, sur lesquelles la nature reprendrait violemment ses droits à l’urbanisme galopant. Et tant pis si les écologistes de tous bords sont empêtrés dans leur insoluble équation : nécessité de construire des logements + préservation de l’environnement. Il n’empêche qu’avec l’intensité des orages, le débat fait rage. D’un côté, les adeptes d’un retour plus terre à terre au sol cultivé. Pour que l’eau diluvienne ne ruisselle plus comme dans une immense rigole. Pour que les lits de rivière ne débordent plus avec fureur. Pour que la Côte d’Azur éponge naturellement la colère du ciel.
Manque de terre éponge
« Dans les Alpes-Maritimes, la plaine côtière bute sur les montagnes, dont les pentes très raides sont entrecoupées de vallons et ruisseaux rejoignant la mer. Or l’eau ne peut pas s’infiltrer dans une plaine littorale totalement urbanisée et imperméabilisée, explique Christine Voiron-Canichio, géographe au CNRS de Nice, interrogée par L’Obs. Jusqu’au début des années 1970, les espaces agricoles jouaient un rôle d’éponge. Mais la péri-urbanisation s’est accélérée jusqu’au milieu des années 1990. Les collines en arrière sont attractives avec leur vue mer, mais elles sont un élément de la vulnérabilité de la Côte d’Azur ». Certains projets, notamment dans la plaine du Var (lire interview ci-dessous), peuvent poser questions. Pour les autres, c’est compatible. À condition de faire les choses dans les règles, même si la nécessité économique a souvent fait loi. « Objectivement, ça fait une vingtaine d’années qu’on ne construit plus en zone inondable ou à risques, souligne Philippe Renaudi, président de la branche Travaux publics dans le département. Maintenant, il faut plutôt gérer tout ce qui a été construit avant ».
Bâtir autrement
Président de la Fédération BTP 06, Philippe Gautier tient à rappeler une évidence : « Nous sommes des gens responsables et mesurés. Nous aussi, nous voulons conserver une belle Côte d’Azur. Mais la fédération du BTP compte 23000 salariés dans les A.-M., nous avons également besoin de travailler ». L’heure est donc venue, peut-être, de bâtir autrement. De repenser la reconstruction. Non seulement au niveau des matériaux utilisés, que sur la conception de nos habitations et l’aménagement du territoire. La vidéo diffusée par la société Tarmac (groupe Lafarge) sur le revêtement Topmix perméable, un béton capable de boire en une minute jusqu’à 600 litres d’eau par mètre carré selon ses concepteurs, fait forte impression. Les maisons sur pilotis ou surélevées,
les routes à plusieurs niveaux, les jardins publics pouvant se muer en bassin de rétention, ou les murs et toits végétaux… sont d’autres pistes. À condition que la prise de conscience soit collective. Côté constructeurs et promoteurs, comme côté décideurs. Après la pluie, le beau temps ?