Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
La drôle d’histoire de la petite « rue du rocher »
Un enfant du quartier nous raconte comment cette rue a été nommée dans les années vingt, sur une boutade, d’après une caractéristique « rocheuse » des lieux... qui n’est pas anodine
C’était une rue sans nom. En tout cas sans nom connu. Et c’est une simple remarque, presque une boutade, qui lui a donné son appellation actuelle : rue du Rocher. C’était au milieu des années vingt. Dans ce qui était alors une auto-école, l’une des premières de Nice, à l’angle du boulevard Gambetta et de ladite rue. « Cette auto-école était tenue par mon grand-père, André Donnet, et par son beau-frère, Lucien Stretti, mon grand-oncle, raconte Lucien Nasarre, pour qui la rue du rocher fait partie d’un mythe familial. «Et le moniteur était… un autre de mes grands-oncles, Étienne Donnet, le plus jeune frère de mon grand-père. C’était une affaire de famille ! » Une affaire à laquelle sa mère, Henriette, alors âgée de 16 ans, prenait part activement : « Il y avait dans une vitrine, la reconstitution d’un moteur, en plâtre. Et tous les jours, elle faisait une démonstration, en expliquant son fonctionnement, le rôle de chaque pièce… Les gens croyaient qu’elle s’y connaissait très bien en mécanique… En fait elle avait juste une mémoire remarquable », se souvient Lucien Nasarre.
Une vieille (fausse) pierre
C’est dans cette ambiance qu’un jour, en 1924 ou 1925, des agents du cadastre de la Ville débarquent. Pour un recensement des rues de Nice. « Selon eux, conte Lucien Nasarre, cette impasse n’avait pas de nom… Je ne sais plus si c’est mon grand-père ou mon grand-oncle qui a dit : “Il y a un rocher au fond de la rue. Vous n’avez qu’à l’appeler rue du rocher ! ” Et quelque temps après, la rue a été nommée ainsi ! » En fait, selon certains, cette rue s’est appelée dans le temps rue de Jussieu. Mais la trace de ce nom s’était perdue. Quant au rocher, il a une histoire : il est un vestige de l’exposition internationale de Nice, qui a eu lieu de décembre 1883 à mai 1884 sur la colline du Piol. Et, révélation, il serait… factice ! Car il est un reste du soubassement en fausses pierres d’une cascade, qui avait été créée pour l’occasion contre la colline, avec une chute de plus de 20 mètres de hauteur. Dont l’eau était recueillie dans des bassins circulaires garnis de plantes aquatiques. Au-dessus, un vaste « palais de l’Exposition », structure éphémère de plâtre et de bois, richement et éclectiquement décoré, avait été construit, sur le plateau. Et était entouré de pavillons. De ce grand événement, il ne reste que peu de vestiges… dont ce faux rocher. Qui, entre grande Histoire et histoire de famille, a fini par donner son nom à la rue.