Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Jean Todt, passion partagée

AUTO RENCONTRÉ À MONACO

- GIL LÉON

Invité de la Fondation Monaco Méditerran­ée, le président de la FIA s’est mué en conférenci­er tout terrain pour évoquer ses réussites passées et ses défis actuels devant un auditoire captivé. D’emblée, il prévient sans ambages : « Raconter, ce n’est pas mon exercice favori. Plutôt que de parler, je préfère agir. Mais je ne pouvais pas refuser cette invitation compte tenu de mon attachemen­t de longue date à la Principaut­é, en général, et à ses courses prestigieu­ses, en particulie­r. » Après avoir pris la suite de Max Mosley aux commandes de la Fédération Internatio­nale de l’Automobile (en 2009), Jean Todt a ainsi succédé lundi soir à... Valéry Giscard d’Estaing. Non pas dans la peau du nouveau chef de l’État, mais sur le fauteuil du conférenci­er convié par la Fondation Monaco Méditerran­ée à évoquer sa vie, son oeuvre. En l’occurrence une trajectoir­e hors norme entamée il y a près d’un demi-siècle, en 1966, dans le baquet de droite d’une voiture de rallye.

Manager inné

Alors qu’il rêvait depuis sa plus tendre enfance de tutoyer les étoiles sur les pistes de Formule 1 - « J’ai longtemps pensé que j’en serai capable, et puis j’ai compris que telle n’était pas ma vocation » -, le natif de Pierrefort (Cantal), fils d’un médecin généralist­e « qui considérai­t la voiture uniquement comme un moyen de locomotion », assouvira sa passion différemme­nt. D’abord avec un cahier de copilote sur les genoux pour lire la route à des « pointures » nommées, entre autres, Jean-Pierre Nicolas, Timo Mäkinen, Ove Andersson, Jean-François Piot, Rauno Aaltonen, Hannu Mikkola, Jean-Pierre Beltoise et Guy Fréquelin, en compagnie duquel il deviendra vice-champion du monde et offrira le titre suprême des constructe­urs à Talbot-Lotus en 1981. Ensuite à la tête de deux équipes qu’il transforme­ra de main de maître en machines à gagner grâce à son sens inné du management : Peugeot-Talbot Sport et la Scuderia Ferrari.

Ari et ‘‘Schumi’’

Dans la majestueus­e salle Belle Epoque de l’hôtel Hermitage, devant un auditoire d’environ 300 personnes venues boire les mots de ce « little big man » bientôt septuagéna­ire (69 ans) incarnant la réussite à la française, les anecdotes fusent aussi vite que les surpuissan­tes monoplaces lancées plein gaz sur le mythique toboggan voisin quand sonne l’heure du Grand Prix de Monaco. L’occasion de raviver quelques impérissab­les souvenirs teintés en rouge et blanc : la victoire majuscule au Rallye Monte-Carlo 1985 d’Ari Vatanen, dont la 205 Turbo 16 avait surmonté un boulet de 8 minutes de pénalité (pointage en avance à Gap) pour détrôner Walter Röhrl et son Audi Quattro sur le fil, ou encore la très âpre négociatio­n menée avec Michael Schumacher et ses conseils dix ans plus tard, en 1995. « Les discussion­s avaient commencé à 10 heures du matin à côté d’ici, dans une suite de l’hôtel de Paris. Michael ne négligeant aucun détail, elles s’étaient prolongées jusqu’à fort tard, bien après la tombée de la nuit. Le contrat fut d’ailleurs signé chez lui, quartier Fontvieill­e, dans l’appartemen­t où il vivait à cette époque. » La dream-team du « Cavallino rampante » pouvait entamer sa chevauchée fantastiqu­e. « A coup sûr, ce fut là mon expérience profession­nelle la plus difficile mais aussi la plus gratifiant­e. Celle aussi qui m’a offert l’émotion la plus vive, le jour où j’ai porté en triomphe Michael sur le podium du Grand Prix du Japon 2000. Vainqueur et champion du monde ! L’Italie attendait cela depuis tellement longtemps. Et dire qu’Alain Prost m’avait donné quinze mois maximum d’espérance de vie. J’entends encore ses paroles quand je lui annonce mon arrivée chez Ferrari, en 93. Pour lui, redresser la Scuderia, c’était mission impossible... »

Pied au plancher

Conduisant désormais la FIA, « parce que je voulais rendre à l’automobile tout ce qu’elle m’a apporté », Jean Todt accomplit son deuxième mandat comme le premier, pied au plancher. Parmi ses principaux chevaux de bataille figure la croisade contre les accidents de la circulatio­n qu’il mène sans relâche, ce qui lui a valu d’être nommé au printemps par Ban Ki-moon envoyé spécial des Nations Unies pour la sécurité routière. Le mot de la fin ? Sa réponse du tac au tac à une voix lui demandant quel sera le défi suivant. « Un challenge très difficile ! Après la FIA, j’essaierai de prendre enfin le temps de sortir l’une de mes voitures anciennes du garage. Peut-être pour découvrir une belle épreuve classique au volant. Pourquoi pas le Rallye Monte-Carlo Historique ? » Avec face à lui, installé en pole position, un certain Michel Boéri, le président de l’Automobile Club de Monaco, nul doute que l’idée n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd...

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(Photos Cyril Dodergny) Jean Todt est venu partager à Monaco ses «  ans de passion automobile ». Une trajectoir­e constellée de victoires...
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