« Je les avais prévenus... »

TÊTE À TÊTE AVEC LE PRÉSIDENT DU RCT, APRÈS LE NAUFRAGE DE LA FRANCE Mourad Boudjellal estime que le rugby français paye les mesures « perverses » mises en place pour protéger la formation. Un dossier qui aurait dû être confié à des professionnels

Jusqu’au bout vous avez annoncé une victoire de la France en Coupe du monde. C’était une simple posture ou vous en étiez convaincu? C’était un rêve ! Je sais à quel point le fait d’être champion du monde aurait fait du bien au rugby français, au Top  et j’avais l’impression, qu’intrinsèquement, les joueurs français n’étaient pas plus mauvais que les autres et qu’on a un réservoir suffisant de joueurs en France pour développer un rugby attractif et éventuellement aller au bout dans cette coupe du monde. Mais j’ai dû me tromper. Il semblerait que les joueurs français se consacrent à leur club et sont moins bons dès qu’ils arrivent en équipe de France... Vous avez peut-être aussi prêté trop de qualités à Saint-André, notamment la baraka ? Oui, mais parce que je pensais que Saint-André était le patron. La baraka, c’est toujours pour le patron. Mais il semblerait qu’il y avait quelqu’un au-dessus de lui. Les principaux responsables étant plus que discrets, on accuse aujourd’hui le Top  de tous les maux. Qu’en pensez-vous? Ce sont des gens qui ne maîtrisent pas bien les tenants et les aboutissants des problématiques du rugby. Ce sont des raisonnements simplistes dits par des gens simplets. Ce n’est pas aussi simple que ça. Souvent ce sont des gens qui reprochent aux clubs qui sont des entreprises privées des problèmes économiques alors qu’ils n’ont jamais mis un centime dans le rugby. Ils n’ont récolté que les produits et ce sont ceux-là qui se donnent une image de sacro-saints face à l’argent, alors qu’en parallèle ils seraient partis en courant s’ils avaient dû mettre un euro de leur poche. Et quand on accuse le RCT et Mourad Boudjellal en particulier ? Ça me fait sortir de mes gonds parce que je connais les perversités des mesures qui ont été mises en place, et le mal qu’elles ont fait au rugby français. Je ne peux pas laisser passer ça. On paye ces mesures. Je les avais prévenus. Je leur avais dit. Ils ne m’ont pas écouté. Tant pis pour eux. Des solutions ? La plupart des joueurs argentins jouent en Europe. C’est marrant, eux n’ont pas de problème de calendrier alors qu’ils ont eux aussi joué  matches dans l’année avec nous. Ils ont l’air en forme, comme Giteau et Mitchell d’ailleurs. la banane. Ils prenaient ça comme une corvée. Après, on ne peut pas non plus dédouaner Saint-André de certaines incohérences. Il a exclu des joueurs qui avaient du talent et du caractère. C’est une faute. Il y a beaucoup de joueurs en équipe de France qui ont été pris et d’autres non. Mais paradoxalement, sur le marché, entre ceux qui ont été pris et les autres, on va tous regarder les autres… Pour parler de marché, avez-vous avancé sur votre recrutement post-coupe du monde ? Oui, j’y travaille. J’étais à Londres ce week-end pour ça, parce que c’est là que tout se passe en ce moment. Vous espérez aboutir bientôt ? Je travaille sur cette saison parce que je sais qu’on a des manques et je travaille sur la saison prochaine aussi parce qu’il y aura pas mal de joueurs en fin de contrat qui vont partir. Il faut anticiper. Le marché commence très tôt. Qu’avez-vous pensé de votre équipe à Brive ? J’ai suivi le match depuis Londres. On avait  Jiff sur la feuille de match et j’ai comptabilisé  joueurs manquants entre la coupe du monde et les blessés. Perdre de  points en laissant des points au pied avec  joueurs en moins, c’est pas mal. Ce qui m’a beaucoup amusé, c’est le discours tenu avantmatch par un joueur de Brive. Il disait : ‘il n’y a pas de bon moment pour jouer Toulon’. J’aurai eu envie de lui dire : alors repoussons le match à dans un mois et demi ! Est-ce que vous allez prolonger certains jokers coupe du monde ? On attend le  novembre pour décider. À part qu’à une minute près, j’ai cru dimanche qu’on allait récupérer tout de suite Drew Mitchell, Matt Giteau et Quade Cooper. On tranchera à la fin… L’organisation du match de prestige à Hong Kong contre les Highlanders serait en mauvaise voie. Qu’en est-il ? Ça corrobore mes propos quand je dis qu’aujourd’hui, dans le rugby, l’intérêt particulier prévaut sur l’intérêt général. Effectivement, aujourd’hui on est le premier cas où deux clubs sont d’accord pour se rencontrer mais la fédération et la ligue ne le veulent pas pour préserver leur intérêt particulier car ils n’ont pas été capables d’organiser ce match. Ils nous disent simplement : nous, on n’a pas été capables de le faire, vous oui mais vous ne jouerez pas, nanani, nananère… Vous avez donc renoncé ? Ah, non. Bien sûr que non ! Je ne comprends pas qu’ils puissent interdire à deux clubs de se rencontrer et par moments je me demande si cela n’aurait pas été plus facile de jouer ce match si on avait été vice-champion d’Europe...

(Photo Luc Boutria) Le président du RCT n’y va pas de main morte et pose les questions qui fâchent.