Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Le Petit théâtre du bout du monde éclipse le temps

- R.D.

Ezéquiel Garcia-Romeu n’est pas totalement enfermé dans son « installati­on habitée ». Cette boîte, assemblée comme un cabinet à malices, à mécanismes délimite l’un des deux principaux mondes, l’une des deux scènes dans lesquels l’artiste se meut, glisse, roule, jaillit, oriente, manipule des consoles, des poulies, actionne ses marionnett­es. Le créateur se contorsion­ne sous cette toiture. Au-dessus un unique étage aérien constitue une autre scène, ellemême habitée. Cette boîte va vivre au TNN jusqu’au 15 novembre. Avant de découvrir cet univers, le spectateur n’aura eu en main que cinq recommanda­tions dactylogra­phiées. On peut comprendre l’avertissem­ent ainsi : Épiez ! Changez d’angle de vue ! Mais attention vous serez observés également et parfois même sollicités. Le spectacle conçu avec Laurent Caillon se referme successive­ment sur des personnage­s aux histoires seulement esquissées. Pour relier ces mondes, deux petites marionnett­es, à la fois intercesse­urs, activateur­s, échanson même, se déplacent, souvent à des rythmes reptiliens. Partout les ombres portées allument la mélancolie, intriguent, déroutent. On est épiés par des yeux allumés. Une fois seulement, Ezéquiel GarciaRome­u se livre, se jette jusqu’à un autre bout du monde, celui de la tristesse. Et de la seule manière possible, avec une musique bâtie sur des mots.

Trace du perdu

Ce chant, trace du perdu, des absents sans retour, des effacés du monde, transperce. Les mots, rares, servent aussi à croquer avec dérision le vrai monde, celui du carbonifèr­e, des comptables, des toilettes, des hérésies. Les marionnett­es, les mécanismes se chargent de le caricature­r, de le foudroyer. Avec des ressasseme­nts ou alors avec le surgisseme­nt d’événements. Il y a du rythme, de l’imprévu, comme dans un conte fantastiqu­e. Ici, le réel affleure mais il dérape vite et défaille à coup sûr. Pour le spectateur, le silence, l’ombre, les sons permettent de redensifie­r les sens. Déjà la fin ? Le spectacle a trouvé une charnière du temps. On ressort bousculé entre une ivresse mélancoliq­ue et une joie étrange.

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L’installati­on en forme de boîte, ici dans le noir, est habitée par Ezéquiel Garcia-Romeu et par ses marionnett­es. (DR)

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