Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Corsu mezu mezu, l’album numéro  des ventes Interviews

Patrick Fiori a jeté un pont (artistique) entre la Corse et le continent dans un album sublime. Bruel, Macias, Maurane, Cabrel, Benabar... chantent en Corse ! Et bien en plus

- ALAIN MAESTRACCI amaestracc­i@nicematin.fr

Il y a désormais un pont entre la Corse et le continent. Un pont artistique. L’architecte s’appelle Patrick Fiori. Il avait une sorte de nostalgie : celle des artistes insulaires qu’il écoutait sur son tourne-disque, dans sa chambre d’ado. Puis Patrick a chanté à son tour. Chanteur incontourn­able de la scène française, il fréquente les artistes des deux côtés de la Méditerran­ée. « Les chanteurs corses, explique-t-il, me demandaien­t comment étaient les artistes continenta­ux et les artistes continenta­ux me posaient la même question sur les Corses. Je ne disais rien et puis un jour je me suis dit : je vais tenter le coup. « J’ai commencé par Patrick Bruel. Je lui ai dit que ce projet était sentimenta­l, je lui ai fait écouter Corsica et lui ai demandé s’il connaissai­t cette chanson. Il m’a répondu qu’il la connaissai­t, qu’il en était fou depuis 20 ans. Il m’a demandé de la chanter avec lui. Le premier à avoir embarqué sur le projet c’est Patrick Bruel. Ensuite j’ai demandé à Petru Guelfucci avec qui il rêvait de chanter, il me répond : Francis Cabrel. Francis dit oui. Maï Pesce voulait Maurane,

« Tout le monde a eu envie sur ce projet, personne n’a eu besoin. »

Maurane dit oui… » Patrick fait appel à un ami, Jean-Charles Papi, un chanteur corse qui a fait partie de plusieurs groupes. Il a, comme Patrick, un coeur gros comme ça. « Avec Patrick, raconte Jean-Charles Papi, on travaillai­t déjà ensemble depuis un petit moment. C’est un type humain, attentionn­é et sensible. Bien sûr, aujourd’hui, il ne peut pas être disponible avec tout le monde… mais il a de vraies qualités humaines et il a ce talent de regarder dans l’autre. Au départ, notre projet était d’adapter des chansons françaises en Corse et puis… L’idée que tous ces artistes viennent à la langue corse et chante en Corse c’était une belle reconnaiss­ance pour la culture corse, de la vérité de notre différence même mais qui est prise comme quelque chose qui ajoute et non pas qui divise. » « Tout le monde n’a eu envie sur ce projet personne a eu besoin, renchérit Patrick Fiori. Tous, ils y ont mis du coeur, sans doute ont-ils eu un peu peur car cette langue est difficile mais nous leur avons donné des chansons comme si elles avaient été écrites pour eux. Personne ne s’est perdu artistique­ment, tout le monde s’est reconnu. La seule difficulté c’était le Corse et tout le monde a franchi ce cap haut la main .» Et quand on lui demande ce qu’il a ressenti, il répond avoir été « très touché de la confiance des artistes. Les Corses ne chantent pas leurs chansons mais celles des autres et ils ont pourtant accepté. Quant aux artistes du continent, ils ont dit oui, je n’en revenais pas. Il y a vraiment un amour pour cette île, pour les gens que nous sommes et cet album est un élixir de ça ».

« Enrico Macias : fallait oser ! »

Un élixir certes mais de bonheur tant on est étonné de l’improbable alchimie de certains duos. Jean-Charles Papi chante par exemple avec Chico & les Gypsies : « Ça s’est décidé sur le moment. Je suis allé à Paris pour les faire répéter en corse et puis il y a eu une vraie rencontre avec eux, ils sont chaleureux, amicaux, bref on était une famille et ils m’ont demandé de chanter la chanson avec eux. Et on a enregistré à une heure du matin ! » Et ce duo Jean Menconi - Enrico Macias ? « Fallait oser ! En rigole encore Jean-Charles Papi. Enrico a été terribleme­nt sympa. Je dois dire qu’il a appris assez vite pour la prononciat­ion. Bon, ça n’a pas toujours été facile avec les artistes car certains phonèmes sont très difficiles. On a fait sortir les gens de leurs sentiers battus et cela a aussi été une belle expérience ». « Enrico, ajoute Patrick Fiori, nous a reçus chez lui à Ramatuelle. Un grand monsieur, généreux. Une rencontre magnifique ». Et puis il y a ce vingt-quatrième et dernier titre de l’album, Dio vi Salvi Regina. « C’est une idée de Patrick y compris l’idée du collectif : hommes, femmes, enfants chantent ensemble, cela n’a jamais été fait. Quand les enfants chantent, on a les larmes aux yeux », assure jean-Charles Papi. La puissance des voix, la beauté des textes et l’histoire d’un peuple racontée par la voix grave d’Antoine Ciosi fait de cet album une totale réussite. On attend vivement une suite.

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(DR) Jean-Charles Papi, le « professeur » de langue corse des artistes continenta­ux avec Patrick Bruel et Patrick Fiori.

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