Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Le coup de folie du pilote de la Germanwing­s

Il y a un an, le vol 9525 de la Germanwing­s s’écrasait dans les Alpes-de-Haute-Provence avec 150 personnes à bord . Les habitants de cette vallée oubliée ont réussi à redonner un peu d’humanité à ce terrible drame.

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Ici, on est des gavots, souligne Vérane Ammirati qui s’empresse de traduire: « L’autarcie ne nous dérange pas d’habitude. » Elle en sait quelque chose, elle qui est née il y a soi xante-dix ans dans cette vallée de la Blanche qui a toujours eu le sentiment d’être « un peu oubliée ». Du moins jusqu’à ce que le monde entier n’ait plus d’yeux que pour elle. C’était il y a un an, jour pour jour. Le 24 mars 2015, à 10h41, la vallée de la Blanche se prenait un avion sur la tête. Au sens littéral. « Évidemment personne n’était préparé à cela » , reconnaît Bernard Bartolini, le maire de Prads, cent vingt habitants à l’année, un peu plus l’été. Le crash de la Germanwing­s a eu lieu sur le territoire de sa commune. Même si l’histoire retiendra le nom du village voisin.

« Ne pas laisser geler les fleurs »

« Les lieux sont plus faciles d’accès par le Vernet » , confirme Bernard Bartolini. C’est d’ailleurs là, face au massif des Trois Evêchés que, dès le lendemain de l’accident, les premières familles sont venues se recueillir. Au pied de cette stèle « gravée dans la nuit par le marbrier de Digne ». S’y sont déposées les premières larmes et les premières fleurs que Vérane, Marie et son petit-fils Paul, Joëlle et d’autres habitants ont com- mencé à rentrer, chaque soir, « pour qu’elles ne gèlent pas ». Sans rien dire à personne, tout naturellem­ent, les « gavots » ont ouvert leurs coeurs et leurs portes à ces inconnus venus des cinq continents. Il y avait 144 passagers et six membres d’équipage à bord du vol 9525, de vingt nationalit­és et six confession­s différente­s.

« Leur sang coule dans cette terre »

Trente-trois mille fragments de ces cent cinquante vies reposent à jamais dans le caveau commun aménagé dans le petit cimetière du Vernet. « Même si, grâce au travail des enquêteurs, toutes les familles ont pu enter- rer un cercueil, elles savent au fond d’elles que le sang de leurs proches coule désormais dans cette terre » , souffle Max Tranchard. Cet ancien guide de randonnée était parmi les premiers à gravir le col de Mariaud le 24 mars dernier. « 2,4 km de marche, 300 mètres de dénivelé » , résume-til. Une piste que Max ne connaît que trop bien. Avec l’équipe de bénévoles de la petite associatio­n sportive du Vernet, il accompagne souvent les familles jusqu’au sommet. « Pas seulement pour leur montrer le chemin, souffle-t-il. Pour les soutenir aussi, ne pas les laisser seuls avec leur peine… » Alors Max leur parle des plantes qui poussent dans ces alpa- ges, des vents qui soufflent sur ces sommets. « Cet hiver, je brisais la glace pour qu’ils puissent emporter un peu de cette terre qui est désormais la leur. Ils peuvent rester dix minutes, accroupis là, à choisir une pierre » , témoigne Max qui, pour eux, n’est plus un inconnu. « Un jour j’ai croisé deux Espagnols que je n’avais jamais vus, raconte-t-il. Pourtant ils m’ont demandé si j’étais bien Max, s’étonne encore cet habitant du Vernet. Ils avaient ma photo sur leur portable ! »

Une Vernetoise pour marraine

Peu à peu, des liens se sont tissés entre ces inconnus dont le destin aurait dû filer, ce 24 mars 2015, à 37 000 pieds de distance. Entre Jean-Marcel, retraité niçois, et les filles de Svetlana [cicontre]. Entre Joëlle, l’épouse du maire du Vernet, et Anna dont Ralf le mari était dans ce satané avion. Il devait partir la veille, mais Ralf avait décalé son départ pour assister à l’échographi­e d’Anna, enceinte de sept semaines au moment du drame. Depuis, Gabriella a vu le jour. « Ma fille Joséphine sera sa marraine » , annonce Joëlle. Et c’est bien ce que veut retenir Vérane: « Cette capacité des hommes à se rassembler pour arriver, ensemble, à faire quelque chose de bien… Même en plein drame. »

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Au lendemain du drame, les premières familles des victimes sont venues se recueillir devant cette stèle «gravée dans la nuit par le marbrier de Digne ».

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