Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

La contrôleus­e des impôts volait son amie

Le tribunal de Nice a infligé hier soir deux ans de prison, dont un ferme, à une quinquagén­aire qui usait du chéquier et de la carte banquaire de son « amie ». Préjudice estimé : plus de 15 000 euros

- CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

Loulou, je ne sais pas pourquoi je t’ai fait ça à toi.» Quand Martine a fait ce terrible aveu à Marie-Geneviève, un monde s’est écroulé. Pour cette dernière, Martine était plus qu’une amie, « une soeur ». Mais à l’audience correction­nelle, Marie-Geneviève et Martine sont assises face à face. La première est en pleurs, sur le banc de la partie civile. La seconde, mal à l’aise, cramponnée à la barre, est reconnue coupable d’avoir floué son « amie ». Saisissant contraste, hier soir à Nice. D’un côté Martine Beauchêne, Niçoise de 54 ans, coupe garçonne et tailleur sombre, contrôleus­e des impôts affichant trente-six ans de carrière dans les rangs de l’administra­tion fiscale. De l’autre Marie-Geneviève Hoarau, tante du footballeu­r internatio­nal Guillaume Hoarau, Réunionnai­se de 62 ans, une vie de labeur et de ménages. Ce petit bout de femme jovial s’attire d’emblée la sympathie des magistrats. Mais son sourire ensoleillé s’estompe quand la présidente Laurie Duca énumère les faits reprochés à la fonctionna­ire : vol et contrefaço­n de chèques, escroqueri­e et abus de confiance. Des faits aussi inattendus que gravissime­s pour un représenta­nt de l’administra­tion fiscale…

« Tu n’y comprends rien »

Tout avait pourtant bien commencé entre Martine et Marie-Geneviève. Cette dernière officiait en tant que femme de ménage à la direction départemen­tale des finances publiques, rue Delille à Nice. Peu à peu, cette femme simple, ar- rivée en France sans famille ni bagage éducatif, s’est liée d’amitié avec la contrôleus­e des impôts. « Imaginez sa fierté… Pour elle, c’était comme être amie avec un chirurgien ! » , s’exclame le procureur Emilie Taligault. Or Martine maîtrise les rouages administra­tifs autant que MarieGenev­iève s’y noie. Aussi la femme de ménage sollicite-t-elle l’aide de sa nouvelle amie pour remplir ses papiers. Problème : la fonctionna­ire va s’y plonger d’un peu trop près. Entre janvier 2014 et mars 2015, elle prélèvera dix-sept chèques – talon compris – dans le chéquier de celle qui lui faisait « entièremen­t confiance ». Martine effectuera en outre plusieurs retraits d’argent avec la carte bancaire de Marie-Geneviève. Des transferts de compte à compte. Et pas moins de trente-quatre achats en ligne. Préjudice estimé : plus de 15 000 €. SNCF, easyJet, SFR, La Parfumerie, Esprit, La Redoute, Darty, Mango, Zara… La présidente égrène la liste accablante de ces cyber-emplettes, assurément « pas des achats de première nécessité ». Il aura fallu que Marie-Geneviève découvre le pot aux roses sur son relevé bancaire. « Je lui ai montré le papier, témoigne la victime. Elle me l’a arraché et m’a dit : « Donnemoi ça ! Tu n’y comprends rien. Je vais t’arranger ça… »

« Machiavéli­que »

Les soupçons de Marie-Geneviève la conduiront à déposer plainte. Acculée lors de sa garde à vue à la sûreté départemen­tale, Martine Beauchêne finira par avouer. Des aveux réitérés hier. « Je m’excuse auprès de Mme Hoarau. Je ne me reconnais pas... J’ai même pris l’initiative de me faire suivre par un psychologu­e pour comprendre comment j’ai pu faire ça. » Il y a bien ce divorce difficile, ce crédit à la consommati­on contracté par le couple, qui a conduit au surendette­ment cette mère de trois enfants : « Je ne m’en sortais pas pour payer le loyer... » Mais comment justifier ces voyages-loisirs d’une fonctionna­ire rémunérée 2 300 €, quand sa victime en percevait trois fois moins ? La présidente cite « le billet de train, le billet d’avion... » Marie-Geneviève s’exclame : « Et moi, j’étais dans le bateau ! » La victime évoquait une croisière. Mais c’est bien le sentiment d’avoir été menée en bateau qu’elle exprime. « On a abusé de sa gentilless­e, de sa vulnérabil­ité. On est à la frontière de l’abus de faiblesse, tonne le procureur. Mme Beauchêne a été machiavéli­que. Après cela, Mme Hoarau se demande : à qui peut-on faire confiance ? »

Elle évite la détention

Le parquet requiert trente mois de prison, dont dix-huit avec sursis et mise à l’épreuve. Le mandat de dépôt, requis à la précédente audience, n’est pas loin. La présidente toise la prévenue droit dans les yeux : « Vous savez madame, le tribunal s’interroge. Car souvent, il n’a pas de scrupule à placer en prison un voleur de scooter... » Martine Beauchêne n’en mène pas large. Mais cette fois-ci encore, elle échappe à l’incarcérat­ion. Condamnée à deux ans de prison dont un ferme - une peine aménageabl­e -, elle quitte l’audience libre, entourée par ses proches effondrés.

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(Photo Christophe Cirone) Marie- Geneviève Hoarau, la victime, dans la salle des pas perdus du palais de justice avec son avocat, Me Georges Ayache.

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