Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Dans l’ombre des marchés, la récolte des glaneurs

Pour des raisons économique­s ou simplement par principe, ils sont de plus en plus nombreux à récupérer les fruits et légumes abîmés et invendus ÉVÉNEMENT

- ANTOINE LOUCHEZ

Ils se font discrets. À tel point qu’une commerçant­e assure que « personne ne récupère jamais » ce qu’elle ne peut pas remballer. Mais une fois les stands pliés, ces oiseaux timides viennent picorer les cagettes abandonnée­s. « En général, il faut attendre que les commerçant­s soient partis, ils n’aiment pas nous voir fouiller, surtout devant la clientèle ». Le regard ourlé dans un sourire, Philippe explique qu’il vient « glaner » 2 à 3 fois par semaine, « selon le temps ». Ce bonhomme de 71 ans dit connaître les horaires et les petites habitudes de chacun. À force d’observatio­n.

Gaspillage

Pour Maxime, un solide gaillard producteur de légumes, « ils sont de plus en plus nombreux, surtout des personnes âgées, qui n’arrivent pas à finir les fins de mois il. Philippe assure qu’avec sa retraite, il pourrait « vivre ordinairem­ent », sans passer le temps qu’il consacre au glanage. Il prétend « ne pas lutter contre le gaspillage en France » , mais c’est bien un certain énervement qui l’amène ici. « Dès que les aliments sont moisis, abîmés, ils sont invendable­s, alors qu’il suffit d’un simple coup de couteau. On n’y peut rien, c’est le système du commerce qui est comme ça ».

», pense-t-

Tout transforme­r

Ce sont, en revanche, les fins de mois difficiles qui ont poussé Valentin à franchir le pas, il y a 6 mois. Et « la gêne d’aller aux Restos du coeur ». À 48 ans, sa pension d’invalidité ne suffisait pas à le nourrir, d’autant que « les légumes coûtent très cher ». Tomates, céleri, laitues, oranges… La ré- colte a été bonne aujourd’hui, il a de quoi se nourrir une semaine, avec le « pain » qu’il se fait. S’il ne mange que rarement du poisson ou de la viande - trop chers - sa formation de cuisinier lui permet de « tout transforme­r » . Une chance, estime-t-il : « Il faut avoir des notions de désinfecti­on, faire parfois quatre bains de lavage, au vinaigre blanc ou à la javel… Pour quelqu’un qui vit dans la rue, c’est impossible ». Tous deux évoquent une relation compliquée avec les commerçant­s. « J’ai l’impression d’être une fourmi dans leurs pattes », s’attriste Valentin. « Nous ne sommes pourtant pas des voleurs ». Au contraire, une certaine complicité peut naître à la longue, selon Philippe. « Plus loin, il y a un type qui me prépare de la ratatouill­e. Ça me gêne, alors je lui propose un coup de main pour ranger ».

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Philippe a constaté qu’il y a du gaspillage. Alors il prend le temps de « glaner ». (Ph. A. L.)
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