Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Marillys Macé: « L’eau au goût de chlore dérange »
Le plan Vigipirate renforcé impose aux fournisseurs d’eau d’augmenter les doses de traitement au chlore. La directrice de Centre d’information sur l’eau redoute une insatisfaction des usagers
C’était mardi, comme chaque 22 mars depuis 1993, la Journée mondiale de l’eau. Les Nations Unies ont fixé ce jour pour attirer l’attention sur cette ressource indispensable à la vie sur Terre. Elle est banale dans la vie quotidienne des Français et pourtant si menacée partout dans le monde, par l’augmentation de la population – 10 milliards d’individus en 2050, contre 7,3 milliards en 2015 –, par les mauvaises habitudes de consommation, par le changement climatique et par le terrorisme. Veolia a invité, hier à Toulon, Marillys Macé, directrice du Centre d’information sur l’eau, qui a rencontré des étudiants de l’Institut supérieur de l’électronique et du numérique. Le Centre d’information sur l’eau publiera d’ici le mois de juin son baromètre annuel sur la façon dont les Français perçoivent cette ressource : son goût, son prix, sa qualité, etc. Une vision proche de celle des étudiants rencontrés hier, estimet-elle.
Du chlore contre des actes terroristes
Son 18e baromètre réalisé avec TNS Sofres (1) a fait un focus avec les habitants du quart Sud-est. Il date d’octobre 2013, mais les tendances se confir
‘‘ ment. Notamment le problème du goût, trop chloré selon les usagers. « Et cela va s’accentuer certainement dans le prochain sondage, car il va couvrir la période Vigipirate renforcée depuis les attentats de novembre à Paris », souligne Marillys Macé. Les fournisseurs d’eau sont en effet tenus de protéger la ressource en élevant la dose de traitement au chlore. « On a augmenté le taux de chloration au départ du réseau. L’eau est rechlorée en cours de route. Tant qu’il y a un résiduel de chlore, elle est garantie potable. Aucune biologie ne peut se développer. Le goût de javel vient du chlore », précise Emmanuel Plessis, directeur du développement du centre Provence de Veolia. Toutefois, précise Marillys Macé, « les habitants de la région Sud-est sont les consommateurs les plus confiants de France dans l’eau du robinet : 86 %, contre 80 % au niveau national. Dans le Sud-est, 77 % trouvent qu’elle a bon goût contre 69 % en France ». Toutefois, leur perception de l’eau n’est pas toujours très claire, par manque d’in
formation.
Le prix de l’eau va-t-il augmenter? Les gens savent que la facture va augmenter, notamment à cause de la pollution. Aujourd’hui, il faut traiter l’eau, d’où qu’elle vienne sur la planète. % des habitants du Sud- est pensent que ce n’est pas risqué de boire de l’eau de pluie, contre % en France. C’est une erreur. Même avant de toucher le sol, elle est inconsommable à cause de la pollution atmosphérique. Elle doit donc être traitée.
Sont-ils prêts à payer plus cher le mètre cube? % des Français estiment que l’eau sera plus chère; % sont fatalistes et se disent que tout augmente; % sont conscients qu’il faudra traiter plus; % pensent que la hausse du prix sera due à la pénurie; % parce qu’il y aura plus de contrôles. Certains scientifiques annoncent une raréfaction de l’eau, avec le changement climatique. La pénurie inquiète-t-elle? % des gens de la région Sudest ont peur de la pénurie. Les gens doivent apprendre à consommer l’eau différemment. Et ce n’est pas seulement en fermant le robinet quand on se lave les dents. La consommation alimentaire est un facteur important. Pour produire un kilo de volaille, il faut litres de d’eau. Il en faut pour un kilo de boeuf. Il faut changer ses comportements. % des gens ont conscience que l’eau est une ressource limitée.
Y aura-t-il des eaux de différentes qualités et donc plus ou moins chères? Il n’y aura pas d’eau low- cost. Le rôle du service public de l’eau est d’assurer la santé des consommateurs. Et la qualité est une obligation réglementaire des fournisseurs. Et ce n’est pas parce que l’on paie plus cher aujourd’hui l’eau en bouteille par rapport à l’eau du robinet qu’elle est de meilleure qualité. L’eau du robinet doit être conforme aux normes du janvier au décembre.
er En même temps, les gens ne savent pas combien ils payent pour l’eau, ni ce que ce prix inclut.
Par manque d’information ? Quand on leur demande combien ils payent, ils disent en général environ , euros le mètre cube. Or, la fourniture d’eau potable et le traitement des eaux usées sont estimés en moyenne à euros le mètre cube pour une facture de mètres cubes. Le tarif qu’ils donnent est sans fondement. Le prix de l’eau agite mais pas celui des téléphones portables.
Les consommateurs sont-ils satisfaits de l’eau du robinet? Oui à % dans votre région et à % au niveau national. Mais en même temps, ils pensent souvent que la ressource est polluée donc que l’eau du robinet n’est pas de qualité. C’est vrai que % des points de surveillance de la qualité de la ressource sont pollués. Nombre de personnes ne boivent pas l’eau du robinet par peur des pesticides. Ceci étant, les Provençaux sont de gros buveurs d’eau du robinet : % en consomment chaque jour, contre % au niveau national. Avoir un jardin, planter, cultiver est- ce gaspiller l’eau ? Non. Les arbres et la végétation sont une climatisation naturelle. Mais il ne faut pas utiliser de pesticides et il faut planter des variétés locales qui résistent à la sécheresse. Cela permet aussi de ne pas imperméabiliser les sols.
De nouveaux métiers sont-ils en train de se dessiner avec les nouvelles problématiques liées à la gestion et la préservation de la ressource ? Le changement climatique, l’augmentation de la population mondiale, les pays émergents qui consomment plus d’eau, certains pays qui vont en manquer, etc. Tout cela fait naître de nouveaux besoins pour gérer cette eau et de nouveaux métiers. Certains à très forte valeur ajoutée.
Comment connaître ces métiers d’avenir ? Les Nations Unies estiment qu’un travailleur sur deux s’active dans un secteur économique lié à l’eau : l’agriculture, l’énergie, les industries, etc. Il faut des métiers qui préservent l’eau. On est dans le développement durable. Le Centre d’information sur l’eau a un rôle pédagogique. Il met à disposition une exposition dédiée à ces métiers. Elle est disponible gratuitement sur simple demande.
La solidarité sera-t- elle inévitable? On a posé la question au niveau national pour savoir si les gens étaient prêts à payer plus cher leur facture pour aider ceux qui sont en difficulté. % des Français ne sont pas d’accord pour aider ceux qui ne s’en sortent pas.
1. Sondage TNS Sofres, « Les Français et l’eau », octobre 2013, réalisé sur 1004 individus âgés de 18 ans et plus.
Les gens
savent que la facture va augmenter, notamment à cause de la pollution.” % des gens de la région Sud-est ont peur de la pénurie d’eau.”