Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Nathalie Kosciusko-Morizet : « Partager de l’énergie »
Candidate à la primaire, l’ancienne ministre de l’Ecologie parle de liberté, d’autorité et d’audace. Elle préconise un accompagnement dans la souplesse des changements majeurs de notre société
Nouveau pilier, l’indépendance”
Elle n’hésite pas à l’évoquer elle-même. Copé l’a étiquetée « dingue », Bruno Le Maire « fofolle » et Sarkozy a peiné à la suivre, au point de lui retirer sa vice-présidence des Républicains, en décembre dernier. Dans sa famille politique, Nathalie Kosciusko-Morizet est un peu le « vilain petit canard », selon l’expression d’un député azuréen. Qu’importe. L’ancienne ministre de l’Écologie, actuelle députée de l’Essonne, a décidé de venir grossir la déjà longue liste des candidats (dix désormais, en attendant Sarkozy et, peut-être, AlliotMarie) à la primaire. A 42 ans, elle décline une vision d’optimisme et d’adaptation à un environnement en profonde mutation dans Nous avons changé de monde 1).
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Vous venez de lancer une pétition réclamant la perpétuité réelle pour les terroristes… Il n’y a pas de perpétuité réelle dans notre système judiciaire. La peine de sûreté est au maximum de ans pour les actes terroristes. Nous avons affaire à des terroristes très jeunes. Un terroriste de ans, avec une peine de sûreté de ans, pourrait sortir à ans. Et, par ailleurs, ils sont entraînés à cacher leur vrai visage. Revenus de Syrie, ils disent avoir été là-bas dans un cadre humanitaire. Et quand ils sont incarcérés, ils ont une attitude de dissimulation, un comportement souvent jugé exemplaire par les gardiens. Or, les aménagements de peine se font notamment sur la base du comportement en prison.
Les attentats de Bruxelles sont venus illustrer la « faillite » de l’Europe évoquée dans votre livre. Comment lui redonner un second souffle ? Il faut accepter l’idée que les règles uniques, telles qu’on les a élaborées, créent des divergences. On assiste à une multiplication de crises (dette, migrants, Brexit) et on ne fait que du rafistolage. Il faut refonder l’Europe, en acceptant l’idée que si l’on veut être ensemble, il faut en payer le prix. Des politiques communes, notamment migratoires, nécessitent beaucoup plus d’investissements. Et puis il faut considérer que les choix macro-économiques communs ont des conséquences qui sont la divergence des économies. Il va donc falloir mettre en place des transferts. La politique monétaire commune dans un grand ensemble se paie forcément par des transferts.
Vous reprochez à la droite dite décomplexée d’être prisonnière de carcans. En même temps, vos positions sur l’immigration, l’assimilation, l’autorité, sont très proches sur le fond de celles de vos concurrents… Il existe de vraies différences qui méritent des débats et des choix. Deux exemples. D’abord, je veux qu’on parle non seulement d’immigration, mais aussi d’émigration. De tous les jeunes qui partent de France, qui ont le sentiment que leur avenir est ailleurs. Notre premier travail doit être de leur donner l’envie et les moyens de construire leur vie en France. Autre exemple, je suis l’une des seules à porter des propositions sur l’islam de France. Je fais trois propositions : pour que les mosquées ne soient plus financées par les pays du Maghreb et l’Arabie saoudite, instaurer une redevance sur les produits halal, afin de disposer de fonds français pour les financer. Développer ensuite une formation d’imams français intégrant les valeurs de la République en s’appuyant sur le Concordat en Alsace et, enfin, l’enseignement de l’arabe à l’école, plutôt que dans les mosquées. Très peu de cours sont proposés par l’Education nationale, parce que les chefs d’établissement ont peur de la concentration de populations issues de l’immigration.
Votre taxe sur les produits halal est jugée par certains difficile à appliquer et communautariste… Ceux qui critiquent veulent-ils qu’on continue à avoir des mosquées financées par l’Arabie saoudite ? Il faut sortir de l’hypocrisie où l’on dit que l’on veut un islam de France mais où on ne fait rien pour dégager des financements. Si vous achetez halal, c’est a priori que vous êtes dans une démarche cultuelle, ça a du sens que vous contribuiez de quelques centimes à financer les mosquées. Ce n’est pas inédit, c’est ce qui existe chez les juifs avec une redevance sur le casher. A lire les projets des candidats à la primaire, on a l’impression de tourner un peu en rond, de revoir les mêmes choses… Je propose une conception du pouvoir différente. Les autres sont tous dans une logique descendante, où le pouvoir dit à chacun ce qu’il doit faire et comment. Mais la société d’aujourd’hui est dans une recherche d’autonomie, d’indépendance, on n’est plus dans la hiérarchie à l’ancienne. Il faut reconnaître les énergies là où elles sont, dans les entreprises, les associations. Mes propositions visent à donner à chacun les moyens de se réaliser. Vous prônez la liberté, l’audace... La retraite à points et à ans, le référendum d’entreprise, milliards de prélèvements en moins, places de prison en plus, en quoi est-ce plus audacieux que ce que proposent les autres ? Je vais vous donner trois exemples de sujets sur lesquels mes propositions sont très différentes. Toutes ces dernières années, la droite comme la gauche ont fait de petites réformes, qui ne faisaient que préparer la suivante. C’est désespérant pour les Français, qui ont le sentiment qu’on leur demande toujours de nouveaux sacrifices. La bonne réforme est celle qui clarifie les règles du jeu pour longtemps. Sur la retraite, en on est passé à ans, en sachant qu’il faudrait monter ensuite à ans. Je pense que la bonne réforme, c’est la retraite à points, un système dans lequel il n’y a plus de régimes spéciaux, où on sait à tout moment combien de points on a déjà acquis, où on peut passer du public au privé et où on peut choisir son départ en retraite en fonction de ses propres arbitrages. Deuxième exemple, la fonction publique. La bonne démarche est de considérer que l’essentiel des personnes sous statut de la fonction publique n’a plus vocation à y être. Pour beaucoup de fonctions, on peut embaucher sous contrat privé. Troisième exemple, les impôts. Tout le monde veut d’abord baisser les dépenses et restituer ensuite sous forme de baisses d’impôts. Mais c’est un chemin qu’on ne parcourt jamais jusqu’au bout. Je propose qu’on lance, d’un même mouvement, la baisse des impôts et charges sur les entreprises et les réformes structurelles. L’urgence, c’est notre compétitivité pour créer de l’emploi.
Vous évoquez des contrats plus souples, le CDD comme norme plutôt que le CDI. Ce dernier est-il vraiment un frein à l’embauche ? Tout le monde s’obsède sur le reparamétrage du CDD et du CDI, alors que le fait majeur actuel est l’effritement du salariat et le développement d’un nouveau pilier, le travail indépendant. Demain, on aura plusieurs patrons en même temps. Le matin un job salarié, l’après-midi un boulot en indépendant, soit plusieurs vies de travail. L’enjeu, c’est que cette vielà, ce ne soit pas la jungle. Et qu’il y ait encore une protection sociale. Je propose la création d’un statut général du travailleur indépendant. On peut se plaindre de l’ubérisation de la société, mais c’est une réalité, elle est là. On ferait mieux de s’occuper des conditions dans lesquelles elle se développe.
Vous voulez donner la possibilité aux universités d’instaurer une sélection et d’augmenter les droits d’inscription. Les jeunes vont hurler ? Moi, ce qui m’inquiète, ce sont les jeunes qui partent à l’étranger. On est dans un système hypocrite. On dit qu’il n’y a pas de sélection, mais il y a une sélection terrible par l’échec. On laisse tout le monde s’inscrire et au bout de trois ans, la moitié de ceux inscrits au début ne sont plus à l’université. Il vaudrait mieux donner aux universités la liberté de choisir leurs étudiants, d’avoir un peu de souplesse dans la modulation des droits d’inscription – en l’encadrant avec des objectifs en nombre de bourses – pour retrouver une excellence. Quand l’université ne cesse de baisser de niveau, les premiers perdants sont ceux qui n’ont pas les moyens de partir à l’étranger.
Vous évoquez les lâchetés de la classe politique, notamment sur l’écotaxe… Le recul sur l’écotaxe a été un scandale. Comme personne n’a voulu faire face aux manifestations, on a renoncé à un milliard de recettes par an, qui était largement prélevé sur les camions étrangers. Ce sont les contribuables français qui compenseront. C’est lamentable.
Vous dites vouloir privilégier les actifs plutôt que les inactifs. En baissant les retraites ? Non. Pas une baisse des retraites. En revanche, je trouverais normal qu’il y ait un alignement de la CSG.
Vous évoquez une baisse des parlementaires. De combien ? Tout le monde est d’accord làdessus, il faut tomber autour de députés.
Vous parlez peu de Sarkozy dans votre livre, mais le constat est sévère : il ne saurait plus écouter et aurait perdu son autorité… Sa capacité à entendre et intégrer des points de vue différents était l’une de ses qualités, il a changé là-dessus. Je me suis toujours opposée au ni-ni. Lors des élections régionales, cela lui est devenu insupportable, au moment même où les Français ont justement refusé d’appliquer le ni-ni, dans le Nord, en Paca ou dans le Grand-Est. Je trouve cela dommage.
Vous estimez la pensée de type Buisson fausse car pessimiste. Votre credo, c’est l’optimisme ? Il y a une espèce de pessimisme dans la classe politique qui n’est pas de bon aloi. On est là pour agir, pour partager de l’énergie. Pas juste pour tendre un miroir sombre à la France.
1. Editions Albin Michel, 256 pages, 15 euros.