Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Le légendaire Johan Cruyff s’en est allé

FOOTBALL Le destin a enlevé Johan Cruyff au monde la veille de Pays-Bas/France. Souffrant d’un cancer, l’ancien footballeu­r s’est éteint à 68 ans. C’était le plus grand, le plus beau, c’était le Roi Johan

- MATHIEU FAURE

On sait la marque que l’on laisse dans l’esprit des gens par l’évocation d’un simple prénom. Johan, par exemple. C’était le prénom de Johan Cruyff, emporté hier par un cancer à 68 ans, et footballeu­r moderne avant les autres. Jusqu’au bout, le Batave aura eu le sens de la passe et du timing. Il a rejoint le ciel la veille d’un Pays-Bas - France à Amsterdam, sa ville natale. Ce soir, le peuple orange rendra hommage à son plus bel ambassadeu­r. Celui qui aura placé les PaysBas sur la carte du monde. C’est l’histoire d’un joueur qui aura également incrusté dans la rétine des gens des signes distinctif­s reconnaiss­ables. Le numéro 14. Le maillot blanc et rouge de l’Ajax. La liquette orange de sa sélection, à deux bandes pour ne pas contrarier son équipement­ier Puma.

La

Dream Team Sur le pré, Cruyff avait quelque chose de magnétique. Hollandais cheveux au vent, regard d’aigle fixé droit devant, qui joue sans regarder le ballon. C’était ça, Cruyff. Un homme beau. En toutes circonstan­ces. Sur chaque cliché du Batave se dégageait de la grâce. Normal pour un homme qui aura eu trois vies. La première, c’est celle d’un petit garçon d’Amsterdam, orphelin de son père à 12 ans et donc livré à lui-même. C’est un ouragan. Très tôt, le petit Johan annonce qu’il jouera pour l’Ajax Amsterdam. Sa deuxième vie le mène logiquemen­t à l’Ajax. Le club de son coeur, de sa ville, et de son mentor Rinus Michels. L’inventeur du football total voit en son attaquant son meilleur allié pour révolution­ner le monde. Là, il est le premier à braquer Ballons d’Or (1971, 1972, 1973) et donne le tournis au sein d’un collectif incroyable. Son coup de rein est vertigineu­x. C’est l’élévation du football dans l’espace : vitesse et mouvement. Michels et Cruyff donnent naissance à un ballet qui se synchronis­e avec les déplacemen­ts des joueurs. L’Europe découvre Cruyff avec la tornade Ajacide entre 1969 et1973, le monde passe au Orange en 1974. Pour être élu roi, il lui suffit d’une seule Coupe du Monde, pourtant perdue en finale contre la RFA. C’est là que Cruyff marche sur l’Argentine (4-0) et broie le Brésil (2-0). Des démonstrat­ions. Le football total. La révolution par le ballon. Comme lors de son arrivée sur le banc du Barça après un brillant passage sur celui de l’Ajax dans les années 80. Car Cruyff aura été le seul crack à réussir ses deux carrières. Celle de joueur puis celle d’entraîneur. C’est sa troisième vie. En Catalogne, lui qui a longtemps revendiqué l’indépendan­ce de la région, sa lutte contre le franquisme va être d’abord visuelle. A son arrivée, il demande à ce que le club joue avec un deuxième maillot orange fluo. « On va sortir de l’obscurité, se distinguer et assumer », lâche-t-il. C’est la naissance de sa Dream Team. Celle de Laudrup, Koeman, Romario, Stoichkov. Cruyff abandonne l’obsolète 4-4-2 et agence un 4-3-3 diabolique qui ramènera la pre- mière C1 de l’histoire du club en 1992. C’est là que Josep Guardiola a débuté sa carrière, tout sauf un hasard. L’héritage de Cruyff est immense et se lit encore aujourd’hui dans le jeu barcelonai­s ou dans les récents sacres de l’Espagne. Hollandais, Cruyff était devenu catalan. Il est mort à Barcelone, où il vivait depuis plus de 30 ans. Ajax, Pays-Bas, Barcelone, le monde du « Hollandais volant » est marqué par l’étique du beau jeu. Avant toute chose, Cruyff avait la passion du spectacle que l’on doit offrir au public. Le football « populaire » au sens premier du terme. C’est un mythe qui a rejoint le paradis.

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