Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Un copilote hypocondriaque mais réellement malade
Le scénario du crash reconstitué par le BEA
Les proches d’Andreas Lubitz, le copilote qui a fait plonger l’avion de la Germanwings vers son tragique destin, n’étaient pas présents hier aux cérémonies commémoratives de la catastrophe. « Ses grands-parents sont venus au cours de l’année », confie toutefois Joëlle, l’épouse du maire du Vernet François Balique. « En toute discrétion », précise-telle. Les parents d’Andreas vivent sans aucun doute un double drame. Celui d’avoir perdu ce fils que ceux qui l’ont connu n’hésitent pas à qualifier de « poli », « sérieux », « attentionné ». En dépit des circonstances: l’enquête a démontré que le copilote était responsable du crash. Il souffrait de « psychose sérieuse » selon l’un des nombreux médecins qu’il est allé voir dans les mois qui ont précédé le drame.
Un enfant qui rêvait d’être pilote
Andreas était en effet persuadé qu’il allait perdre la vue. Or, ses yeux sont son outil de travail. Une altération de sa vision lui ferait perdre son fauteuil dans le cockpit. Lubitz le sait, lui qui depuis son enfance ne rêve que d’une chose: devenir pilote. Dès l’âge de 14 ans il s’inscrit dans un club de vol et apprend à manier des pla- Andreas Lubitz consultera à huit reprises cinq médecins différents. Il déchirera les arrêts maladie qu’ils lui rédigeaient. (Photo TEAM-MUELLER)
neurs. Six ans plus tard, en avril 2008, il passe les sélections d’entrée à la Lufthansa et les réussit. La compagnie allemande l’intègre dans son programme de formation. Lubitz apprend à piloter, d’abord à Brême, en Allemagne, puis à Phoenix, aux États-Unis. Durant ce cursus apparaissent ses premières failles psychologiques. En novembre 2008, il craque. Sa dépression est mise sur le compte du surmenage. En juillet 2009 le psychiatre du
copilote indique qu’il est « tout à fait en bonne santé » et que son « traitement est terminé ». Andreas peut poursuivre sa formation. Jusqu’au bout cette fois. Le 1er mars 2011 il obtient sa licence de pilote privée. Trois ans plus tard celle de pilote en équipage multiple et en octobre 2014 sa qualification sur A320 est prorogée. Pourtant dès le mois de décembre, ses problèmes de vue apparaissent. Andreas Lubitz consulte alors plusieurs médecins privés qui Grâce à l’examen des deux boîtes noires retrouvées sur les lieux du crash, le Bureau enquête accident a pu retracer le scénario du vol minute par minute. Il témoigne de la terrible détermination du copilote Andreas Lubitz.
■ heures : décollage L’Airbus A320-211 de la Germanwings décolle de Barcelone avec 144 passagers à bord. Il se rend à Düsseldorf en Allemagne. Le copilote est aux commandes.
■ h min s : la montée Le pilote automatique est engagé en mode montée et suit le plan de vol prévu.
■ h : une conversation banale Une hôtesse entre dans le poste de pilotage. S’en suit arrivent à cette conclusion: il n’y a aucune raison organique à sa pathologie. Les problèmes du jeune copilote sont surtout dans sa tête.
Huit consultations en un mois
Pourtant, il en est convaincu. Il va devenir aveugle. Il n’en dort plus. Ses nuits se résument à deux heures de sommeil tout au plus. Il est sur les nerfs. Au sens propre. Entre le 17 février et le 18 mars 2015, Andreas Lubitz consulte à huit reprises cinq médecins différents en plus de son psychiatre. La plupart d’entre eux lui prescrivent des traitements anxiolytiques et lui rédigent des arrêts maladies que le copilote s’empresse de déchirer. L’un de ces praticiens préconise même une hospitalisation en psychiatrie en raison d’une possible psychose. Andreas Lubitz ne s’y résout pas. Il a prévu d’en finir. Les dernières pages qu’il a consultées sur son Ipad le prouvent. Elles se rapportent au suicide « sans souffrance » ou « par absorption de médicaments ». Le copilote choisira d’emporter avec lui ses 144 passagers et les cinq autres membres d’équipage du vol 9525 en provenance de Barcelone. une brève conversation autour de l’escale à Barcelone.
■ h : altitude de croisière L’avion est stabilisé à 38 000 pieds. L’équipage est en contact avec le centre de contrôle de Marseille.
■ h : le pilote sort Le commandant de bord annonce au pilote qu’il quitte le poste de pilotage et lui demande de prendre en charge les communications radios. Andreas Lubitz acquiesce.
■ h : chute d’altitude Le commandant de bord vient à peine de quitter le cockpit. En une seconde l’altitude programmée du pilote automatique passe de 38000 pieds à 100 pieds (30 mètres) ce qui est l’altitude minimum qu’il est possible d’indiquer à l’ordinateur. Les moteurs sont mis au ralenti. L’avion commence sa descente.
■ h : plein gaz Andreas Lubitz, seul aux commandes, augmente la poussée des réacteurs.
■ h : le pilote est de retour Le signal sonore de demande d’accès au poste de pilotage retentit. Le pilote veut regagner le cockpit.
■ h : silence radio À trois reprises le centre de contrôle de Marseille tente de contacter le vol 9525. En vain. Lubitz ne répond pas.
■ De h à h : l’inquiétude Le signal sonore qui indique que le pilote veut entrer retentit quatre fois en quatre minutes. On entend aussi quelqu’un qui tambourine à la porte et des voix lointaines demandant d’ouvrir la porte.
■ h : l’armée s’en mêle La défense aérienne tente à son tour de contacter par radio. Lubitz ne répond toujours pas. L’armée envoie un mirage à ses trousses.
■ h : le pilote tente de défoncer la porte On entend des coups violents contre la porte du cockpit.
■ h : alerte collision L’alarme « Terrain, Terrain, Pull up, Pull up » retentit. L’avion n’est plus qu’à quelques mètres du sol. L’impact a lieu six secondes plus tard.
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