Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
La mère d’une victime raconte le jour du crash
Elle s’appelait Elena. À la veille de ses 16 ans, la lycéenne allemande a embarqué à bord du vol 9525. Sa mère, Annette Bless, témoigne dans la préface d’un livre écrit en France. Bouleversant
Le visage d’Elena était un sourire. Une lycéenne de 15 ans, partie en échange scolaire en Espagne avec 15 autres élèves de son lycée. Dans sa ville de Hartern-am-See, sa famille l’attendait avec joie. Le lendemain du retour la jeune fille devait avoir 16 ans. Dans l’un de ses derniers messages, elle écrivait: « Maman, notre avion va atterrir à midi moins cinq ». Mais plus jamais sa mère n’a pu la serrer dans ses bras. Voilà le récit d’Annette Bless. Professeur de français, et mère d’Elena. Un témoignage poignant des longues minutes qu’elle-même a passé en classe, pendant que l’avion de la Germawings quittait sa ligne de vol et descendait vers le sol. « Il est 10 heures Dans ma classe de quatrième, notre dernier cours de français avant les vacances commence » . Annette Bless montre à ses élèves le film Les choristes avec Gérard Jugnot. Elle se demande si les passages chantés seront bien accueillis par la classe. Elle imagine déjà l’après-midi qu’elle va passer avec sa fille. Elle compte lui acheter des fraises, « Elena rêvait de fraises fraîches » , après en avoir mangé en Espagne.
«
Instant céleste »
Dans le film, les cours de chant ont commencé et Annette Bless regarde discrètement ses élèves. « Dans la classe règne alors une atmosphère particulière, presque irréelle », décrit-elle. Elle pense « que cela était dû à cette musique incroyablement belle » . Un adjectif vient à son esprit pour décrire ce moment de grâce: « Un instant céleste ». Aujourd’hui, cette mère sait que c’était « précisément l’instant où notre fille, avec 148 passagers innocents était tuée par un copilote mentalement malade ». Elle veut croire que « le ciel s’est ouvert à [elle], [lui] accordant un regard furtif sur le monde de l’au-delà, dans lequel nous pourrons revoir, auprès de Dieu, tous ceux que nous avons tant aimés » . Et puis, le cauchemar a commencé.
« Ma France, toujours aimée »
Le récit d’Annette Bless a été écrit pour la préface allemande du livre Retour au Vernet, mon village après le crash. Son auteur, Nicolas Balique est journaliste, l’un des premiers à être arrivé sur la zone du crash, mais surtout un habitant régulier du petit village du Vernet. Son livre est un témoignage du bouleversement que la catastrophe aérienne a provoqué dans ces montagnes. Le récit du cataclysme médiatique qui s’est abattu dans la vallée. Son livre est aussi un hommage rendu aux disparus. Une autre maman endeuillée l’avait ramené de France, en demandant à Annette Bless de le traduire pour elle. La mère d’Elena a mis des semaines avant de réussir à ouvrir le livre, ce qu’elle fait le 24 janvier dernier. « Je me mets à le lire, et je ne peux plus m’arrêter » , écrit-elle. Elle décide aussitôt de le traduire intégralement. « Pas seulement pour les familles, mais aussi pour les proches germanophones et pour tous ceux qui, un an après le crash y pensent encore » . Annette Bless a écrit à Nicolas Balique, qui lui a évidement confié la traduction. Sa seule demande était qu’elle écrive une préface. C’est ce texte que les lecteurs allemands de Rückkehr nach Le Vernet pourront lire. Le message poignant d’une mère, qui parle toujours de la France comme « ma France toujours aimée ». Une femme parmi tant d’autres visages endeuillés. Et qui est attendue ce 24 mars au Vernet, pour le plus triste des anniversaires. Nicolas Balique, aux éditions Gaussen. RückkehrnachLeVernet,Überstezungund Vorwort, Annette Bless, Masou Verlag. Un mois après le crash,Annette Bless et son mari ont créé, en mémoire de leur fille, une fondation pour soutenir les échanges scolaires à l’étranger. A consulter sur leur site web : www.elena-bless-stiftung.de (version française disponible)