Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Condamnée pour avoir fait passer des migrants en taxi

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On savait que les migrants empruntaie­nt les trains, les voitures, les chemins de traverse pour passer la frontière franco-italienne. Mais depuis le début de la vague migratoire il y a deux ans, jamais, sans doute, un taxi n’avait été condamné à Nice en tant que passeur. Et ce taxi est une femme, chevelure blonde coupée court, veste beige et pantalon noir à la barre. Annie G., Niçoise de bientôt 70 ans, se dit innocente, et encore moins habituée à jouer les passeurs. Mercredi soir, le tribunal correction­nel de Nice lui a néanmoins infligé six mois de prison avec sursis pour aide à l’entrée irrégulièr­e sur le sol français. Le 17 février dernier, Annie G. est stoppée sur l’autoroute A8 au volant de son Renault Espace, avec trois passagers à bord. Deux d’entre eux sont pakistanai­s, le troisième est bangladais. Tous trois ont les passeports de leurs pays d’origine, mais leurs titres de séjour italiens ont expiré. Autrement dit, ils sont clandestin­s.

« Je n’avais pas mes lunettes... »

Ce sont les policiers italiens qui ont alerté leurs homologues français, après avoir vu le taxi embarquer les trois hommes à l’entrée de Vintimille. « La dame ne nous a rien demandé. Elle nous a fait monter dans sa voiture et nous sommes partis » , déclareron­t les intéressés. Annie G., elle, assure avoir contrôlé leurs papiers. « Puisqu’ils les avaient, ils avaient le droit de passer. Simplement je n’ai pas vérifié les dates. Je n’avais pas mes lunettes...» La prévenue affirme que cette course n’était que pure coïncidenc­e, alors qu’elle venait de déposer des clientes venues de Nice. Ses passagers, eux, assurent avoir acheté son numéro de téléphone auprès d’un tiers. Un numéro très couru, reconnaît Annie G. : « Mon numéro a dû être capté par des rabatteurs. Depuis, je suis harcelée nuit et jour. » Dans ce contexte, le tribunal s’interroge sur ces allersreto­urs répétés du taxi pardelà la frontière. Annie G. serait-elle habituée à convoyer des clandestin­s ? Elle assure que non, maintient « ne pas se sentir coupable de quoi que ce soit » . La présidente Laurie Duca ironise : « Madame, vous avez la télévision, la radio ? Vous n’êtes pas sans savoir qu’il y a un mouvement de migrants important ? Ne pensez-vous pas que vous auriez dû faire particuliè­rement attention ? » « On n’est pas dans un dossier de migrant. Dans ce dossier, il n’y a rien », intervient Me Philippe Soussi pour la défense. Le tribunal relaxe Annie G. pour les faits qui ont précédé son arrestatio­n. Il adoucit, aussi, la peine requise par le procureur Emilie Taligault : dix mois ferme, bracelet électroniq­ue, confiscati­on du véhicule et 20000 € d’amende. Annie G. s’en sort donc avec six mois avec sursis. Un avertissem­ent sans frais pour ce taxi qui, à ses dires, « ne roule pas sur l’or ». C. C.

 ??  ?? Me Memeteau, avocate de la défense. En arrière-plan, le neveu de la victime venu la représente­r. (Photo C. Cirone)
Me Memeteau, avocate de la défense. En arrière-plan, le neveu de la victime venu la représente­r. (Photo C. Cirone)

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