Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Des victimes, des visages

Une minute de silence en hommage aux victimes a eu lieu hier dans tout le pays. 300 personnes sont blessées, dont 60 en soins intensifs. Leurs proches recherchen­t toujours une vingtaine de disparus

- DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL À BRUXELLES, CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Les victimes des attentats de Bruxelles ont désormais des noms et des visages. Ils s’affichent tout sourire à la « une » des quotidiens belges ou sur les réseaux sociaux. Ils s’appellent Léopold, Olivier, Adelma, Fabienne… Ils sont étudiants, employés, retraités… belges, français, américains, suédois. Le bilan officiel fait état pour l’instant de 31 morts (sur lesquels seuls 4 avaient pu être identifiés hier soir) et 300 blessés, dont 60 en soins intensifs (11 Français, dont 4 dans un état grave). Un bilan provisoire: une vingtaine de personnes sont portées disparues.

Un enfant de deux ans gravement brûlé

Notamment Sabrina Fazal, 24 ans, originaire d’Ottignies, dans le Brabant wallon. Son compagnon, Jonathan Selemani, père de leur petit garçon, la cherche désespérém­ent. « Elle a pris le métro pour se rendre à ses cours d’infirmière à la Haute-école Galilée. Elle devait changer de rame à Arts-Loi ou Parc pour prendre une correspond­ance » , écrit-il sur Facebook. Depuis mardi et l’effroyable explosion à la station Maelbeek, ses amis font le tour, fébriles des hôpitaux. Tout près de l’école de Sabrina Fazal se dresse l’un des vingt-cinq hôpitaux de la ville où ont été réparties les victi- mes. Sabine Feys, porte-parole de l’hôpital Saint-Pierre, refuse, déontologi­e oblige, de dévoiler les noms des deux blessés qui sont encore dans cet hôpital du centre-ville. « Sachant que les plus gravement atteints ont été orientés vers l’hôpital militaire. Nous avons également confié un enfant de deux ans gravement brûlé à l’hôpital universita­ire des enfants Reine-Fabiola. Les vingt autres qui ont été admis ont pu repartir chez eux. » Aux proches rongés par l’inquiétude, Sabine Feys n’hésite pas, via les réseaux sociaux, à préciser que tel nom de disparu ne figure pas sur la liste des entrants. Quant aux familles qui ont désormais le droit de venir au chevet d’un des leurs, les hôpitaux bruxellois réservent un accueil personnali­sé, avec, si besoin, le soutien d’un psychologu­e.

Trop choqués pour prononcer le moindre mot

De soutien psychologi­que, Shake, médecin, dit ne pas en avoir besoin. Elle s’est pourtant retrouvée en première ligne, mardi matin vers 9h10, avant même les pompiers. « Surtout ne mettez pas mon nom, je n’ai rien d’un héroïne » , explique-t-elle. « J’arrivais à mon cabinet rue Jacques-de-Lalaing quand j’ai vu la fumée. Je me suis approchée, les gens couraient partout. Je n’avais aucune info. Je ne savais pas que c’était un attentat terroriste. Je suis retourné à mon cabinet prendre gants, compresses… En tant que généralist­e depuis quinze ans, je peux vous dire que je n’ai pas du tout été préparée à ce genre de situation. C’est de la médecine de guerre avec des éventratio­ns, des membres coupés. Ce qui me rassure, c’est que le chef des pompiers, après 40 ans de carrière, dit la même chose. Ceux qui parvenaien­t à sortir du métro rue de Loi souffraien­t de brûlures, de plaies plus ou moins profondes, mais ils étaient valides. Il fallait faire un tri. Je courais d’un blessé à l’autre. » Le Thon Hôtel, en face, a servi d’hôpital de campagne. Pas un cri, pas un hurlement. « Les blessés étaient sidérés, hébétés, en état de choc. La plupart ne pouvaient prononcer le moindre mot » , se remémore le médecin, toujours aussi calme quand elle raconte l’horreur. « Sur le coup, on ne pense à rien. On essaie de stopper les hémorragie­s. On fait son job en attendant les urgentiste­s. Et puis à 14 heures, je me suis souvenu que j’avais deux enfants qui patientaie­nt à l’école… »

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