Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Le jour où Johan Cruyff a joué au stade du Ray

Le numéro 14 a affronté le Gym avec l’Ajax d’Amsterdam lors d’un match amical, l’été 1972. Ce soir-là, 17.754 spectateur­s ont vu passer une légende

- PH. C.

Le jeudi 27 juillet 1972, un homme illumine la une de Nice-Matin. Il porte un blazer et salue le photograph­e avec un sourire de conquérant. Johan Cruyff vient d’atterrir à l’aéroport de Nice. C’est un événement puisque c’est un extraterre­stre. Cruyff vient d’une autre planète. Il ne court pas, il vole. Il ne lutte pas, il survole. Il ne joue pas, il réinvente le football. En Europe, il n’y a pas mieux. Dans le monde, il n’y a que Pelé pour le concurrenc­er. « Cruyff est là ! » annonce notre journal comme on proclamait la venue du roi. Avec lui, les Krol, Neeskens, Haan, Muhren, Keizer... Bref, du lourd. L’Ajax d’Amsterdam, c’est les Harlem Globetrott­ers entraînés par un sorcier : Stefan Kovacs. Ce club, qui est en train de mettre tout un continent à ses pieds, est chez nous dans le cadre du transfert de Dick Van Dijk au Gym. Le Ray va voir, en vrai, le vainqueur de la Coupe d’Europe qui, deux mois auparavant, a terrassé l’Inter Milan grâce à deux buts de son génie : Johan Cruyff. Pas besoin de télé en noir et blanc et de la voix de Michel Drucker. Les étoiles sont à portée de main. Le grand soir (vendredi 29 juillet à 21h) le match sent l’amitié et les spectateur­s la crème à bronzer. Le stade est plein comme un oeuf. Il y a 17.754 personnes qui ne demandent qu’à sortir de leur coquille. L’Ajax a une équipe à

( PPhhoottoo DDRR)) effrayer les Huns et les autres : Stuy, Suurbier, Hulshoff, Blackenbur­g, Krol, Neeskens, Haan, Muhren, Swart, Cruyff, Keizer. En face, l’OGCN n’a pas de sacre à fêter, mais joue un football sacré : Baratelli, Camerini, Isnard, Quittet, Chorda, Huck, Eriksson, Jouve, Loubet, Van Dijk, Revelli. Sur le papier, c’est beau. Sur le pré, c’est un régal. « À Nice, on n’avait pas l’habitude d’être impression­né. Mais là, tout de même... » , se souvient Francis Camerini.

« Il était imprenable »

C’est la fête du foot. De l’offensive. À la demi-heure, on ne peut déjà plus compter les occasions. L’Ajax attaque. Nice se défend bien. Haan ouvre le score juste avant la mi-temps. Van Dijk égalise juste après. Cruyff accélère, Cruyff feinte, Cruyff frappe. Baratelli plonge, Baratelli se jette, Baratelli jaillit. « Le stade était debout. Il vibrait à en perdre haleine » , écrira Jean Chaussier dans les pages sports de NiceMatin. Keiser redonne l’avantage à l’Ajax (2-1). Mais Cruyff en veut plus. Le 14 fait un grand numéro et claque un 3e but d’un tir violent suite à un centre en retrait. « On ne savait plus comment le prendre. Logique : il était imprenable. Un coup à droite, un coup à gauche, un coup au centre. Il nous ren- dait fous. Il était technique, il allait vite, il sautait haut. Il avait toujours la tête levée. Il voyait tout avant tout le monde. Il respirait le foot. Cruyff, il était au-dessus. Horsnorme » raconte Camerini qui a approché le phénomène. Un an plus tard, Johan Cruyff reviendra au Ray avec le FC Barcelone. Cette fois, il restera dans la tribune. Pas qualifié pour ce match de Coupe d’Europe, il vit le Gym passer trois buts à ses nouveaux coéquipier­s. « Au retour, il ne pouvait toujours pas jouer. La veille du match, j’étais en chambre avec Dick (Van Dijk) à l’hôtel. A 21h, on tape à notre porte. C’était lui. Moi, je l’admirais. Il est resté deux heures à bavarder avec Dijk. J’ai rien compris : ils se parlaient en hollandais et Cruyff fumait cigarette sur cigarette. Quand il est parti, on ne se voyait plus. Il nous avait laissé un drôle de brouillard... » , se souvient Charly Loubet. Hier, Johan Cruyff est mort. Pas sa légende.

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