Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Vers un FBI européen ?
Il est légitime de se gausser ou de s’indigner des ratés de la police et de la justice belges dans la traque aux terroristes. On pense au cas d’Ibrahim el-Bakraoui, un des kamikazes du mars, arrêté et identifié comme djihadiste par les autorités turques en juillet , renvoyé en Europe… et laissé en liberté, alors que, condamné à neuf ans de prison en , il s’était soustrait à son contrôle judiciaire. On pense à la « légèreté » avec laquelle Salah Abdeslam, personnage clé du Novembre, a été interrogé après son arrestation, à la veille des attentats de Bruxelles. Le même Abdeslam dont un policier de Malines, en Flandre, avait localisé la planque, à Forest, dès le décembre:
l’information n’est, semble-t-il, jamais remontée à la police fédérale… Arrêtons là. Le petit royaume a payé assez cher. Une commission d’enquête parlementaire a été créée. Elle dira s’il y a eu des manquements, et à quel niveau. Il y a d’autant moins de raison d’accabler nos voisins qu’aucun Etat en ce domaine ne peut se prétendre infaillible. France comprise. De la tuerie de Toulouse aux attentats de janvier , les loupés n’ont pas manqué: chez nous aussi, il y a des trous dans la cuirasse. Bien sûr, il est facile de critiquer après coup. Le propre d’un attentat, c’est de survenir où on ne l’attend pas, quand on ne l’attend pas. Au demeurant, beaucoup ont pu être évités, grâce à la vigilance des services de police et de renseignement. Il n’empêche… Il faut bien constater que tous, ou quasiment tous, les individus impliqués dans les attaques de ces dernières années étaient connus de la justice et de la police. La plupart avaient déjà été condamnés pour des faits de droit commun ou en lien avec le terrorisme. Beaucoup étaient surveillés et fichés comme islamistes « radicalisés ». Il est d’autant plus frappant qu’ils aient réussi à tromper l’attention ou la perspicacité des services (comme Mohamed Merah). Et que des individus placés sous contrôle judiciaire (comme deux des tueurs du Novembre) ou recherchés par la justice aient pu échapper aux radars et multiplier les allées et venues entre l’Europe et le Moyen-Orient. Comme ce Reda K., interpellé jeudi à Argenteuil: condamné en Belgique par contumace à dix ans de prison, il était sous le coup d’un mandat d’arrêt international. Ce qui ne l’a apparemment pas empêché de partir en Syrie et d’en revenir. Avant d’envisager la déchéance de nationalité, la perpétuité incompressible, voire la peine de mort, et au lieu d’empiler les lois nouvelles supposées renforcer l’arsenal répressif, mieux vaudrait analyser ces ratés pour voir ce qui a cloché et en tirer les conséquences. Comprendre par exemple pourquoi des informations sensibles ne remontent pas, ou sont négligées ou mal interprétées par des services qui croulent sous le nombre des cibles à surveiller et la masse des données à traiter. Les tueurs ont des petits commandos. Nous avons des offices et des administrations innombrables, dont les compétences se croisent, et qui souvent communiquent mal, quand ils ne font pas de la rétention d’information. Ils n’ont pas de frontières. Nous en avons trop. Les progrès de l’enquête franco-belge le montre: la coordination des efforts paie. A menace internationale, riposte internationale. L’Europe a su se doter d’une politique agricole commune, d’un marché commun, d’une monnaie commune. Le temps est venu d’une action commune contre le terrorisme. L’idée d’un « FBI européen » refait surface. Elle mérite d’être creusée. Il ne s’agit pas de créer un « machin », une structure bureaucratique de plus. Mais d’aller vers une coordination plus efficace, plus fluide, plus réactive. Il y a urgence.
« Le temps est venu d’une action commune contre le terrorisme. »