Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Quelles solutions pour
Réformer les services de renseignement
Cent trente victimes en novembre dernier. Trente et une en début de semaine. La cellule terroriste de Bruxelles a fait mal. Très mal. Elle a surtout réussi à mener à terme plusieurs opérations d’envergure en passant entre les mailles du filet sécuritaire. Pas totalement, heureusement. Les perquisitions de ces dernières heures ont permis d’éviter d’autres attaques. D’autres morts innocents. Mais inévitablement, la terrible série d’attentats qui vient de frapper par deux fois l’Europe en un peu plus de quatre mois soulève des questions. Met au jour des failles. Notamment lorsque l’on s’est aperçu que le suivi des frères belges el-Bakraoui – intercepté en Turquie, Ibrahim a été expulsé... vers les Pays-Bas, où il n’était pas connu des autorités – a fait cruellement défaut. Pour le professeur de criminologie Alain Bauer, « ce n’est pas difficile tant que les gars sont sous les radars. C’était le cas lors des attentats de Madrid, Londres ou lors du Septembre » . Selon le spécialiste des questions de sécurité, il n’existe pas de dispositif anti-terroristes. Nous avons essentiellement des outils de contre-espionnage : « temps long et secret absolu» . Alors que l’antiterrorisme c’est « temps court et partage absolu » . Quand la France parle répression, emprisonnement à perpétuité réelle, d’autres pays ont choisi de traiter le mal en amont. « C’est une culture », explique Alain Bauer. Quand la collecte d’informations est de qualité, mais pas son analyse, on peut en arriver à des situations de crise comme celle que vient de connaître la Belgique à propos du suivi de deux terroristes. Mais Alain Bauer dédouane: « Il n’existe aucun pays à savoir faire du contre-terrorisme. Le seul service antiterrorisme au monde, est celui de la police de New York. » Là où le 11 Septembre a été vécu comme une trahison. « Ils sont donc partis de rien pour créer un outil opérationnel et fonctionnel qui devait répondre à ce que les services de renseignements traditionnels (CIA, FBI) n’avaient pas su faire. Comme ils n’ont pas la culture du contre-espionnage, ils partagent, ils échangent. Ils ont investi sur les analystes, et notamment les analystes extérieurs, autour de l’idée d’un outil mixte, opérationnel et conceptuel. » La méthode donne des résultats. « Ce qui ne marche pas, c’est ce que nous con- tinuons à faire dans tout l’Occident: du contre-espionnage qui fait semblant de faire de l’antiterrorisme. À ceux qui disent que ça ne peut pas marcher, je dis que le problème n’est pas structurel, n’est pas individuel, il est culturel. »
Infiltrer les réseaux
Pour un policier qui fut en poste à TelAviv, « le PNR [registre des passagers aériens, Ndlr], que l’Europe n’arrive pas à mettre en place, existe depuis des années en Israël. Les services savent exactement qui est sur les listes de passagers. Ça leur permet de travailler en amont. L’important est d’identifier la menace le plus tôt possible. Et pour cela, la technologie ne peut pas grand-chose : l’important, c’est le renseignement. Il faut revenir au renseignement humain et infiltrer les réseaux comme cela se fait en Israël. Parce que si on n’est pas dedans, on ne saura jamais ce qu’ils préparent. »