Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Rencontres du âge e
« Regarde, il y a un mec bourré dans le restau…! » De toute évidence, les étudiants à la faculté de Valrose ne s’attendaient pas à une irruption de l’insolite dans leur quotidien, hier. Il faut dire qu’à l’initiative du Crous et de l’association carrossoise Forum Jacques-Prévert, les deux clowns de la compagnie de l’Arpette se sont invités à leur déjeuner. Déguisés en professeurs… pas comme les autres. Lunettes bleues pour l’un. Maquillage outrancier pour l’autre. De quoi en dérouter plus d’un. Les blagues potaches fusent, les portables mitraillent; le grotesque s’impose. « Les jeunes disent ne pas avoir le temps d’aller aux spectacles. Alors on a fait venir le spectacle à eux » , résume Tatiana Doucet, du service animation du Crous. Qui précise que d’autres événements sont prévus au restaurant universitaire. À commencer par deux concerts mardi et jeudi prochains.
J’ai 91 ans. Mais à l’envers, ça n’en fait que 19. » « Dans ce cas, moi, j’en ai 31. » À la maison de retraite Résidence bleu soleil, Samuel, élève en 4e au collège Rostand, a rencontré Gaby, hier. A discuté avec elle. Chanté avec elle. Plaisanté avec elle. Parce que Gaby l’affirme : « Dans la vie, il faut rire. Ça change tout. » Passionnée par la coupe de cheveux de l’ado, elle désigne un de ses voisins dégarni : « prête-lui ta mèche, il n’a plus de cheveux. » À l’atelier créatif, quelques tables plus loin, Bouthayna, Lobna et Cinthia discutent paisiblement avec trois petites dames. Ravies. « On leur a appris à faire des bracelets, commente Bouthayna. On s’est raconté nos vies. Au début, je pensais que la leur ne serait pas intéressante, mais c’est faux. » Lobna renchérit : « Moi, je croyais que ce serait nul, mais pas du tout! » « Elles, elles sont mieux que les personnes âgées qu’on voit dehors. Elles sont souriantes, coquettes » , reprend Bouthayna, qui dit être volontaire si une nouvelle sor- tie en maison de retraite se profile. Face à elle, Orlanda sourit. « C’est bien de ne pas rester dans sa boîte. Ca fait plaisir de voir des jeunes qui s’occupent de nous. » L’intention d’Elena Antoine et de ses deux camarades de fac, avec qui elle a imaginé ce projet, était bien là. Mélanger les générations. « Nous sommes tous les trois d’origine différente, et donc sensibles aux échanges. Nous voulions montrer aux jeunes comment ça se passe avec les seniors. » Le responsable de l’établissement, Daniel Seiwert, dit pour sa part combien il est important pour les résidents de « ne pas être déconnectés de la vie. » « Les grands parents de ces jeunes ont aujourd’hui entre 60 et 70 ans. Ici, la moyenne d’âge est de 88 ans. C’est bien qu’ils puissent voir ce qu’est la dépendance. Qu’on sorte définitivement du conflit vieux/jeunes. Et puis ça met les élèves en valeur. » Selon lui, le danger serait pourtant de se contenter d’opérations ponctuelles. « Le coup par coup, c’est bien, mais il leur faut également du continu. »