Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Le capitaine qui se bat contre la pêche illégale débarque

Réfugié en France, l’activiste écologiste Paul Watson, qui sera demain à Antibes et Cannes, s’est confié sur son action, ses motivation­s et son avenir. Entre baignades avec des castors et fichage par Interpol

- JÉRÉMY COLLADO jcollado@nicematin.fr

Un minuscule verre à pied en plastique rempli de vin blanc dans la main et Paul Watson est beaucoup moins impression­nant qu’à la télé. Certes, il y a cette gueule, ces mains calleuses qui nous harponnent façon bûcheron du Canada, là où il a grandi, et puis cette barbichett­e blanche et son visage buriné de corsaire qui a déjà arpenté quelques milles. « Quand j’avais dix ans, un été, je me suis baigné pendant les vacances avec une famille de castors » , retrace- t- il calmement, dans la salle du conseil municipal de Draguignan, toujours en anglais et au gré d’un discours ultra-rodé et très efficace. « Puis l’été suivant, je suis retourné au même endroit. Mais impossible de revoir les castors. Entre-temps, les trappeurs les avaient tués pendant l’hiver. J’étais très en colère. C’est à partir de ce moment-là que je me suis mis à chercher les pièges et à militer pour la nature. Certains diront que je n’ai pas grandi. Mais je m’en fiche ! »

David contre Goliath

Depuis, le capitaine Watson a surtout accompli un long voyage. Les vidéos de ses exploits cartonnent sur Internet. Avec son associatio­n Sea Shepherd, créée, comme lui, par des fondateurs de Greenpeace qui firent sécession en 1977 en critiquant le manque d’indépendan­ce de la première grande ONG écologiste, il arpente les océans et combat les braconnier­s. À son tableau de chasse, près de dix bateaux coulés. Son combat, c’est une peu David contre Goliath. « En 1985, quand on alertait sur les dangers du plastique dans l’océan, ça n’intéressai­t personne. Aujourd’hui, c’est

Paul Watson, fondateur de l’associatio­n Sea Shepherd, avant une mission dans l’Antarctiqu­e.

devenu un enjeu majeur. » En face de lui se dressent les intérêts privés, les multinatio­nales… Le « pouvoir de l’argent » , résume-t-il. « Certains politiques ont peur d’intervenir. L’industrie de la pêche, chaque année, reçoit près de 100 milliards d’euros de subvention­s. »

Hollande, les yakuzas et Interpol

Depuis dix ans, près de mille écologiste­s ont été tués. Pour certains, leur meurtre n’a pas été résolu. Il y a de quoi être un peu nerveux. Ou parano. Ou les deux.

Brigitte Bardot et le pouvoir des médias

che une attirance et un goût pour les médias et les coups d’éclat, comme lorsqu’il emmenait Bardot à bord de son bateau pour sauver les bébés phoques : « Ce sont les médias qui fixent les règles du jeu. Et nous, on joue à ce jeu. J’ai écrit un discours à Poutine il y a quelques mois. Et j’ai demandé à Pamela Anderson d’aller lui lire, parce que je savais que si c’était moi, on ne m’écouterait pas. Eh bien, certaines de nos propositio­ns vont être reprises par le gouverneme­nt russe… »

Ce serait mentir de ne pas mentionner que Watson s’est fait, au passage, quelques ennemis. Et pas seulement parmi les gouverneme­nts qui soutiennen­t la pêche illégale, comme

‘‘ le Japon ou le

Ce que j’ai fait Costa Rica, qui ont obne mérite pas tenu son fi

d’aller en chage dans une notice prison ” rouge d’Inter

Paul Watson, Sea Shepherd pol : « Je n’ai pas de problème avec la justice. J’ai des problèmes avec des gouverneme­nts corrompus. Dans cette notice rouge, il y a des criminels et des tueurs en série. Ce que je remarque, c’est que parmi les 76 000 mafieux japonais, les yakuzas, pas un n’est sur la notice rouge… » Pour ne pas tenter le diable, il évite les voyages à l’étranger. Et vit exilé dans le Sud, amarré près de Toulon, après avoir obtenu une garantie de François Hollande de ne pas être extradé. Nicolas Hulot a joué l’intermédia­ire. Paul Watson jure qu’il n’a « pas peur d’aller en prison » : « Ce que j’ai fait ne mérite pas d’aller en prison. » Il en a déjà fait, en Allemagne, avant de subir l’exil pendant quinze mois. On le dit ingérable. Extrémiste. On lui repro-

« Greenpeace loin des idéaux des débuts »

Paul Watson tacle ses anciens amis, accusés d’avoir bradé leurs conviction­s : « Le problème des ONG, c’est que beaucoup débutent avec des bonnes intentions. Puis elles grandissen­t et deviennent bureaucrat­iques. Et les activistes sont remplacés par des avocats et des comptables. Ceux qui sont à Greenpeace sont bien loin des idéaux des débuts. » Il ne croit pas aux solutions politiques. « L’écologie ne doit pas être prisonnièr­e d’un parti. » Il prône ainsi les petites initiative­s locales. Les décisions individuel­les. Lui-même est 100 % vegan, comme sa jeune femme de

(Photo DR)

34 ans. « La planète est un vaisseau spatial. Et nous, nous sommes les passagers. Or nous passons notre temps à nous divertir et à tuer l’équipage qui conduit le vaisseau. » Pour lui, seul le combat compte. La preuve, en 1973, il est infirmier pour le mouvement des Indigènes d’Amérique. Et occupe un endroit sauvage dans le Dakota. « Le gouverneme­nt américain nous avait alors envoyé 2 000 soldats. On était 300 ! On s’est pris 20 000 cartouches… » Après la bataille, il échange avec le leader du mouvement, un certain Russell Means, futur acteur dans le film Le Dernier des Mohicans et décédé en 2012. « Je lui dis : “Écoute, ça n’est pas possible, on se bat, et pourtant on n’a aucune chance de gagner.” Russell me regarde dans les yeux. Il me répond : “Peu importent les obstacles, ce qui compte, ce n’est pas de gagner ou de perdre, mais de faire ce qui est juste.” Cette phrase m’a guidé toute ma vie. »

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