Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Le dernier des métiers

- Le billet de Philippe Bouvard

C’est une statistiqu­e qui devrait donner à réfléchir même si les centres d’orientatio­n profession­nelle oublient de la communique­r aux jeunes qui regardent leur avenir dans le miroir aux alouettes littéraire­s. La République des Lettres serait encore moins généreuse que la République tout court : sur les   privilégié­s (sic) qui, chaque année, perçoivent des « droits d’auteur », une bonne moitié ne doit pas espérer plus de  €. Soit  € par jour dont il convient de déduire les frais de papier ou de Toile. En dépit de l’exemption totale d’impôt liée à la modicité du revenu, on ne peut survivre sans se dénicher une activité d’appoint constituan­t en réalité la principale ressource. Si Victor Hugo avait eu du génie deux siècles plus tard, on ne l’aurait pas rencontré à la Chambre des pairs mais aux Restos du coeur. Flaubert aurait distribué des prospectus avant d’écrire Madame Bovary. Là, plus qu’ailleurs, la richesse de quelquesun­s dissimule mal l’infortune de tous les autres. Pour un Prix Nobel et un Goncourt, pour une femme bafouée qui se console dans les librairies, que d’espoirs déçus, que de fausses carrières, que de découverts bancaires ! Or, si le comédien sans talent et sans public peut se rabattre sur les rôles muets, on n’imagine pas qu’un écrivain sans inspiratio­n et sans lecteur nourrisse sa petite famille en publiant

des pages entièremen­t blanches.

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