Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Bouli Lanners : « Je veux apporter de la joie »

Touché de près par l’attentat du métro de Bruxelles, l’acteur-réalisateu­r belge a interrompu l’écriture de son prochain film pour repenser son travail à l’aune des événements

- PROPOS RECUEILLIS PAR PHILIPPE DUPUY

Travailler pour que la prochaine génération ne soit pas perdue”

Découvert en gangster dans Toto le héros, de son compatriot­e Jaco van Dormael, Bouli Lanners est, avec Benoît Poolvoerde et François Damiens, l’un des comédiens belges les plus connus et les plus appréciés en France. Acteur fétiche du tandem Kervern-Delepine avec lequel il a tourné cinq films, habitué des seconds rôles marquants (on l’a vu notamment dans Un long dimanche de fiançaille­s, de Jean-Pierre jeunet, et de Rouille et d’os, de Jacques Audiard, mais aussi dans Rien à déclarer, de Dany Boon), c’est un ami proche d’Albert Dupontel avec lequel il a tourné trois films et avec lequel il partage l’affiche de Les Premiers, les derniers, son quatrième long-métrage, actuelleme­nt en salles. Un vrai-faux western crépuscula­ire, tourné dans la Beauce, où ils jouent deux chasseurs de primes lancés sur les traces d’un couple en possession d’un téléphone portable au contenu mystérieux. Touché de près par l’explosion du métro de Bruxelles, où sa filleule Leonor a été blessée, Bouli Lanners a très gentiment accepté de nous donner son point de vue sur la situation en Belgique, quelques jours après les attentats… Où étiez-vous le jour des attentats de Bruxelles? Dans le Thalys, en direction de Paris. On est passés à Bruxelles au moment où ça explosait. La rumeur a commencé à courir dans le train, mais ce n’est qu’en arrivant à Paris qu’on a su ce qui s’était passé. J’ai voulu rentrer tout de suite, mais c’était impossible. Tout était bloqué, même téléphoner ou envoyer des SMS était difficile. Rien ne fonctionna­it correcteme­nt.

‘‘ C’était très anxiogène de ne pas avoir de nouvelles de la famille et des amis. J’ai fini par apprendre que Leonor, ma filleule, était dans la rame de métro qui a explosé. Elle a été sérieuseme­nt blessée, mais pas aussi grièvement que d’autres, heureuseme­nt. Elle va s’en tirer mais il lui faudra gérer le choc post-traumatiqu­e. Pour le retour, on a dû faire tout un périple en passant par Reims pour louer une voiture, car à Paris on n’en trouvait plus. J’étais dans le même état qu’après les attentats de Paris…

Sur les rushes on entend les explosions”

Vous étiez à Paris le  novembre? Je venais de terminer le tournage du film de Katell Quillévéré, Réparer les vivants. Avec ma femme, on avait passé toute la semaine sur les terrasses de café et de restaurant­s, car il faisait super bon. On est partis le jour des attentats, mais l’équipe tournait encore des prises de vues au Stade de France le soir des attentats. On entend les explosions dans les rushes. Là encore, j’ai appris en arrivant à Liège ce qui était en train de se passer. Je prends toutes les semaines le Thalys, beaucoup de mes amis habitent en France, je fréquente beaucoup de Français qui habitent en Belgique, dans mes cours, beaucoup d’étudiants sont Français… Ce qui se passe en France me touche de près. Là, j’ai été frappé en plein coeur.

Vous attendiez-vous à ce que la Belgique soit frappée? À partir du moment où on a su qu’il y avait un réseau belge impliqué dans les attentats de Paris, on s’attendait à ce qu’il se passe quelque chose. Qu’on soit Français, Belge, Allemand ou Anglais, il faut, hélas, s’habituer à vivre avec cette menace au- dessus de la tête, maintenant. Pas s’empêcher de vivre non plus, mais vivre avec l’idée que cela peut arriver n’importe où, n’importe quand. Avez-vous changé vos habitudes? Oui, je m’efforce d’aller boire un coup en terrasse tous les jours et je prends les transports en commun pour aller à Paris ou à Bruxelles. C’est ma façon à moi de résister.

Que pensez-vous de la polémique sur le communauta­risme que la Belgique aurait laissé se développer dangereuse­ment? Je pense que c’est un débat déjà dépassé. Le problème, ce n’est pas Molenbeek, ni même la Belgique. Ce serait trop simple : il suffirait de boucler la ville ou le pays et ce serait réglé. Le problème est à l’échelle de l’Europe entière. Aujourd’hui ce qu’il faut, c’est travailler ensemble pour traquer les réseaux terroriste­s et soutenir les associatio­ns qui travaillen­t dans les quartiers. Pour que, s’il y a une génération perdue, au moins la prochaine puisse être sauvée. Je continue à croire à l’intégratio­n par la culture. Est-ce que cela vous pousse à reconsidér­er votre propre travail? Clairement, oui. J’avais commencé à écrire un nouveau scénario, mais les événements m’obligent à chercher une nouvelle voie car je pense qu’il y aura, en Belgique, un avant et un après  mars. J’ai l’impression que mon rôle sera plus encore d’apporter de la joie. On ne peut plus faire du cinéma guimauve ou de simple divertisse­ment après ce qui s’est passé.

Votre film, Les Premiers, les derniers est déjà une fable contre la tentation du désespoir et de la sauvagerie… Absolument oui. Et je pense poursuivre dans cette thématique, mais sur un ton de plus franche comédie. Les gens ont plus que jamais besoin de rire. Je voudrais essayer d’amener un maximum de bonheur dans leur vie.

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(Photo AFP/ Thomas Samson)

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