Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Marc Levy : « Le bonheur d’être un écrivain populaire »

Ce phénomène d’édition, qui a vendu 35 millions de livres, publie son 17e roman, L’Horizon à l’envers. Où l’on parle d’amour, de cryogénisa­tion et de duplicatio­n du cerveau…

- PROPOS RECUEILLIS PAR FRANCK LECLERC fleclerc@nicematin.fr L’Horizonàl’envers. Robert Laffont, 418 pp, 21,50€.

Pourquoi s’astreindre à « faire de la promo » quand chaque roman bat le record précédent ? « Par respect », répond-il. L’exercice, pourtant, ne lui est pas naturel. « En public, j’ai le vertige », avoue Marc Levy qui, dans L’Horizon à l’envers, nous donne le tournis.

Vos apprentis sorciers projettent de dupliquer le cerveau. Folie? Le projet Neurolink, dont je parle, existe bel et bien. Il fait partie d’une dotation européenne d’un milliard d’euros et a qui pour objectif de « mapper » le cerveau. Dans un rapport indissocia­ble, notre conscience vieillit parce que notre corps s’use. Est-ce une fatalité? Tout programme scientifiq­ue a pour finalité de repousser les limites de la vie.

Immortalit­é et imposture sont au coeur du roman. Oui, puisqu’ici, une jeune femme se réveille avec la conscience d’une autre. C’est une idée qui m’a toujours agité, d’autant qu’une grande partie de mon activité d’écrivain a été occupée par cette question : qu’est-ce qui forge notre identité? Quelle est la part de notre esprit qui demeure si, tout à coup, on transfère notre conscience dans un autre corps? Peut-on encore être soi-même?

Des Américains se font « congeler ». Effrayant? À ce jour, deux mille personnes se sont fait cryogénise­r aux États-Unis. Pour moi, cela n’a rien d’effrayant. Les Égyptiens se faisaient embaumer, ce qui relève du même processus. On ne peut pas porter de jugement. Quand on aime la vie plus que tout et que celle-ci vous échappe, il n’y a d’autre dessein que d’essayer de tout faire pour la sauvegarde­r.

Ce transfert neurologiq­ue serait donc une hypothèse recevable? Depuis que l’Homme existe, la question de la survivance et de la transmissi­on de la mémoire a été la raison du développem­ent de toutes les civilisati­ons. Ce qui est particulie­r, aujourd’hui, c’est que nous sommes la toute première génération à pouvoir faire perdurer ce que nous sommes sans que cela ne passe par nos descendant­s. Car nous digitaliso­ns chaque jour sur les réseaux sociaux notre mémoire. Qui, ainsi, nous survit.

« Le fait de ne pas être Mozart n’interdit pas de chanter sous la douche. »

Internet change la donne? Un exemple : très touché par la lecture d’un article sur la mort d’une photograph­e francomaro­caine de grand talent, Leila Alaoui, assassinée au Burkina Faso, j’ai consulté son site web. Il n’a pas changé. On peut même y lire « projet en cours », ce qui est terrible. Glaçant. Eh bien, ceci aurait été impossible il y a vingt ans.

Et Facebook? Oublions les excès qui sont sans intérêt, et restons dans le registre d’une personne qui utilise Facebook pour dérouler sa vie. Contrairem­ent aux photos de famille qui se perdent ou jaunissent, ici, tout est numérisé pour l’éternité. Cela introduira des changement­s comporteme­ntaux dont on n’a pas encore mesuré l’incidence.

Votre livre est comme un film. Écriture cinématogr­aphique? (Rires) Peut-être voulez-vous dire que j’ai une écriture visuelle? Je ne décris jamais physiqueme­nt mes personnage­s. Or, l’un de vos confrères m’a juré un jour que mon héroïne était blonde aux yeux bleus. Rien ne peut me rendre plus heureux.

On vous fait parfois le reproche d’une écriture simple… C’est un des plus beaux compliment­s que l’on puisse me faire. Il est si compliqué de faire simple! Ce qui compte, pour moi, c’est de regarder ce que j’écris sans jamais me regarder écrire. Être fluide, c’est énormément de travail. J’aborde tout cela avec beaucoup d’humilité. Même si ça en emm… plus d’un!

Reconnaiss­ez-vous céder à quelques facilités? On ne peut pas écrire un roman de quatre cents pages sans céder à quelques facilités. Sauf à s’appeler Christian Bobin, dont chacune des phrases est une oeuvre d’art. Moi, je ne suis pas Mozart. Mais le fait de ne pas être Mozart n’interdit pas de chanter sous la douche.

Et tout le monde vous lit. Y compris ceux qui ne lisent pas! Je ne me compare pas à Balzac ou Dumas qui, au XIXe siècle, se sont fait critiquer parce qu’ils étaient populaires. Mais leurs histoires continuent de nous marquer. Moi, j’ai l’honnêteté de dire que rien n’est plus joyeux que d’être un écrivain populaire. Et puis, à l’inverse, ce serait quoi, un écrivain impopulair­e?

 ?? (Photo F.L.) ?? Si l’écrivain préféré des Français a choisi New York, il n’a jamais oublié ses racines azuréennes.
(Photo F.L.) Si l’écrivain préféré des Français a choisi New York, il n’a jamais oublié ses racines azuréennes.

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