Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Guillaume Bodin, vigneron-cinéaste en guerre contre les pesticides
Il n’a pas pu se battre contre ses convictions profondes. Confronté à un dilemme insoluble en 2013, Guillaume Bodin a préféré démissionner. Il était ouvrier viticole en Saône-et-Loire, précisément là où le préfet imposait aux vignerons un traitement de pesticides contre la flavescence dorée, que Guillaume Bodin refusait d’appliquer. Il faut dire qu’à l’époque, il est directement touché: maux de tête, saignements de nez... Guillaume Bodin reçoit en pleine face les effets du traitement préventif appliqué sur les vignes. Déjà auteur d’un film en 2011, La Clef des Terroirs, le réalisateur de 29 ans reprend alors la caméra, comme une évidence qui s’impose à lui: « Je ne pouvais pas faire autrement », souligne-t-il. Résultat: « Insecticide mon amour », un documentaire issu d’une enquête de près de deux ans, où il cible la dangerosité des pesticides et déconstruit le discours dominant sur la question à l’aide de témoignages d’experts. « J’avais sorti mon premier film tout seul, sans formation et en faisant uniquement des projections », détaille-t-il. « L’objectif global, pour les citoyens, c’est de pouvoir peser et d’influer sur les élus. Au début, on est seuls dans ce combat. » Il se félicite tout de même que la région Paca soit l’une des plus vertueuses en matière d’agriculture biologique. Ici, près de 17 % de la surface agricole est déjà en bio, pour respecter la terre, les vignes et l’environnement. Mais aussi pour protéger les hommes, premiers touchés par les effets de ces produits « phytosanitaires ». « Certains châteaux se sont rendu compte qu’il valait mieux passer en bio plutôt que de subir une crise sanitaire comme l’amiante, avec des employés qui se retournent contre l’entreprise. »
« Mauvais pour la santé »
Guillaume Bodin est un militant. Il ne s’en cache pas. Il ne comprend pas comment les pesticides peuvent encore être utilisés en si grand nombre, malgré leur nocivité avérée: « Le pire, c’est qu’on n’est plus dans les années 50, où l’on pensait vraiment que les pesticides allaient aider l’agriculture », avance-t-il. « Aujourd’hui, on sait que c’est mauvais pour les sols, pour la santé, pour nos enfants...» Troubles de la reproduction, cancers, malformations, troubles du système nerveux... Les conséquences sont dévastatrices. Et pourtant. Si l’on en croit les chiffres officiels du ministère de l’Agriculture, la France truste le haut du classement européen en terme d’utilisation de pesticides. Leurs ventes ont bondi de près de 16 % en 2014, pour atteindre les 59000 tonnes.
« Quand on sait qu’avec le Tafta
[traité transatlantique de libreéchange, ndlr], on va augmenter les
limites maximales de résidus de
pesticides pour s’aligner sur les
USA...» , regrette Guillaume Bodin. Car en effet, outre-Atlantique, les limites sont moins contraignantes. Quant aux coûts sanitaires liés aux pesticides aux États-Unis, ils avoisinent les 15 milliards de dollars par an, selon l’association Générations Futures. Pour défendre ses films et sa cause, il se consacre désormais pleinement au cinéma. Fait de la pédagogie à travers la France. Et s’autofinance en grande partie. « Mon but, c’est d’être le plus indépendant possible. Je n’ai plus le choix. Après mon premier film, il fallait que j’en assume le coût politique. Et que je me serve de l’argent du premier film pour financer le deuxième. Maintenant que j’ai commencé, je ne peux plus reculer »