Contraints de vivre à cinq dans leur voiture

Perte d’un appartement, impossibilité d’accéder à un logement, trois enfants déscolarisés, Sami, le père, ne sait plus comment sortir de cette spirale mais en a la volonté

Vous savez, nous ne sommes pas les seuls dans ce cas. Depuis que je vis finalement dans la rue avec ma femme et mes trois enfants, j’ai vu beaucoup de détresse », confie Sami d’un ton sec. Sa « rue » c’est aussi sa voiture, garée cette nuit-là dans le quartier de Vauban. Entre chien et loup, sa femme apparaît, ses trois enfants tournent autour du véhicule en attendant de s’y installer sommairement. Sami résume ce camping : «Le plus jeune enfant sur la plage arrière, deux sur la banquette arrière et nous avec ma femme sur les sièges avant. Mais nous ne dormons presque pas, on a des lampes et nous surveillons car il y a beaucoup d’allers et venues. On craint aussi les patrouilles de policiers et qu’on vienne nous demander ce que nous faisons là.»

Errance depuis six mois

C’est le régime de vie de cette famille depuis six mois. La spirale a commencé à Cannes où la famille résidait. «On a été obligés de quitter l’appartement que nous occupions et je n’ai pas pu trouver un autre logement. J’ai vu pas mal d’agences immobilières. La réponse est toujours la même: pas assez de revenus pour louer.» L’homme ne renonce pas, dépose son déménagement dans un gardemeuble et se met en recherche à Cannes, Antibes puis finalement Nice dont il est originaire. En attendant, il trouve des solutions de fortune, la voiture roulotte, parfois l’hôtel et enchaîne six mois d’errance. « C’est vrai, je ne travaille plus car je ne peux plus après le grave accident dont j’ai été victime en 2004. Ma femme non plus depuis que nous n’avons plus de toit, mais nous ne sommes pas sans ressources, environ 1500 euros par mois. La seule solution serait un logement social mais je ne peux pas l’obtenir actuellement. » Sami a déscolarisé ses enfants. « J’ai été obligé, comment faire ? Ils ne pouvaient plus aller à l’école à Cannes. Et pour les réinscrire ailleurs, il faut une adresse. D’ailleurs comment pourraient-ils aller en classe sans se laver, en dormant dans une voiture ?» L’errance continue avec un surcroît d’angoisse. « Avec ma femme, on a peur qu’on nous retire les enfants et qu’on les place. C’est ce que me disent les assistantes sociales tenues par l’obligation de faire un signalement. C’est un cercle infernal, sans appartement, pas d’école et sans école, pas d’appartement. » La vie de ses enfants au quotidien, Sami a du mal à l’évoquer: « On se cache, je ne les sors pas aux heures où ils devraient être en classe, on risquerait de me poser des questions… Et la nuit, lorsque je gare la voiture, je me fais tout petit afin de ne pas me faire repérer par le voisinage. C’est un peu comme si j’étais en cavale. Le seul petit répit, c’est lorsqu’on prend des chambres d’hôtel, de temps en temps seulement, c’est trop cher... »

Deux voisins à l’écoute

Les semaines passant, le voisinage n’a pas été totalement dupe. Michel et Eddy qui habitent à Vauban ont vu le manège et ont été touchés par cette détresse sous leurs fenêtres : « Comment peut-on laisser une famille dormir dans sa voiture sans la soutenir, l’aider à trouver une solution? On n’a pas pu faire comme si nous n’avions rien vu.» Alors il y a eu des mots, de petits gestes, un peu de chaleur humaine, des invitations autour d’une pizza. «Heureusement qu’ils sont là, glisse Sami qui entend aussi les conseils, presque les injonctions de ses nouveaux amis. Je sais, il faut que mes enfants retournent d’urgence à l’école. Je vais m’en occuper mais je ne veux surtout pas que nous soyons séparés, ce serait terrible!»

Sami adossé à sa voiture garée ce soir-là dans le quartier de Vauban. Sa femme et ses trois enfants sont à côté et attendent de s’installer dans cette roulotte de fortune. (DR)