Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)

Jean-Louis Carina au paradis des artistes

Le très modeste peintre impression­niste était aussi l’âme du bric-à-brac « le Moulin de Provence », rue de France

- YANN DELANOË ydelanoe@nicematin.fr

Il est parti le mois dernier sans faire de bruit. En toute discrétion. Comme à son habitude, lui qui n’aimait pas qu’on parle de lui. Jean-Louis Carina, alias Louis Marrone, nous a quittés, laissant pinceaux, palettes et toiles, pour aller se fondre dans les nuances du ciel. L’artiste était réputé pour ses oeuvres, impression­nistes, ses tableaux où il peignait Nice, la Prom’, le jardin Albert-Ier, ou encore des paysages d’ailleurs, ou des bouquets de fleurs. «Au début, il faisait beaucoup de tableaux en noir et blanc », expose sa femme, Monika Marrone. Ses tableaux prennent des couleurs après sa rencontre avec elle, en 1989. «Sa spécialité, c’était les bleus… De beaux bleus, azur… » Mais il était aussi connu pour son magasin de souvenirs… qui est bien plus que cela. Le Moulin de Provence, atelier Carina, au 3, de la rue de France, est un petit musée, où le peintre exposait ses toiles, aux côtés de toutes sortes de bibelots, pipes sculptées, icônes, statuettes religieuse­s, assiettes peintes, amulettes, médailles, cougourdes niçoises et provençale­s, etc. qui recouvrent les murs et même les plafonds du local. Une véritable caverne d’Ali-Baba, remplie de trésors culturels amassés par l’artiste tout au long de sa vie et qui ne sont pour la plupart pas à vendre.

À l’atelier, Borg, Stewart, le Premier ministre japonais…

L’artiste-peintre, qui avait réalisé ses premières toiles dès l’âge de 10 ans, s’était orienté, à ses débuts, sur les directives de son père, vers la maroquiner­ie. Mais alors qu’il s’apprêtait à ouvrir sa première boutique, les épreuves de la vie l’avaient rattrapé, l’obligeant à prendre des responsabi­lités dans le restaurant de ses parents, la brasserie Carina, juste en face du Moulin de Provence. En cuisine, à la caisse, au service, il n’avait pas pour autant oublié la peinture… «Quand je servais les clients, moi, dans les assiettes, je ne voyais pas des plats… Je voyais des palettes de couleurs, des oeuvres d’art…» confiait-il dans son antre, où il avait reçu Nice-Matin. Peignant dès qu’il avait du temps, il affichait ses tableaux dans la salle du restaurant. Et c’est d’ailleurs la brasserie qui lui avait valu son pseudonyme : « Les gens pensaient que le nom de ses parents était Carina, alors que ce n’était que le nom du restaurant… Du coup, tout le monde l’appelait “le petit Carina”... », resitue Monika. C’est ainsi qu’au lieu de Louis Marrone, il choisit le pseudonyme de Jean-Louis Carina pour signer ses tableaux. En 1973, après que ses parents ont vendu leur établissem­ent, il ouvre, juste en face, son atelier, le Moulin de Provence. Les célébrités s’y succèdent. Souvent au côté de son complice Alain Bideaux, il y reçoit ses amis de l’Ecole de Nice, mais aussi le champion de tennis Björn Borg, le Premier ministre japonais épris de ses oeuvres, les jazzmen Major Holley, Slim Stewart… Connu jusqu’à l’étranger, il se retrouve même en photo dans certains guides touristiqu­es, ou livres de souvenirs. Son départ laisse comme une toile vide dans le petit monde de l’art niçois, mais aussi rue de France. À sa femme, Monika, qui continue de faire vivre le Moulin de Provence, à sa fille Louisa, à son fils Louis, à ses proches, Nice-Matin adresse ses plus sincères condoléanc­es.

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(D. R.) Louis Marrone, alias Jean-Louis Carina.

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