Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Monaco: deux hommes, une nouvelle vie politique
A la tête de l’exécutif et du législatif, Serge Telle et Christophe Steiner. Deux personnalités très éloignées de leur prédécesseur, qui imposent de nouvelles méthodes de travail
Il y a d’abord les traits. Et puis les sourires. Un style. Enfin, le ton. Les deux hommes ont plusieurs points communs, presque une certaine ressemblance. A Monaco, le ministre d’État, Serge Telle, et le président du Conseil national, Christophe Steiner, sont incontestablement deux personnalités très différentes de leurs prédécesseurs respectifs. Inévitablement, et ça n’a échappé à personne, cela a bouleversé le fonctionnement des deux institutions. D’autant que les deux hommes sont arrivés presque en même temps à leur poste.
Un nouveau ministre d’État
Le 4 janvier 2016, le prince Albert II nomme Serge Telle à la tête de son gouvernement. L’ancien consul général en 2002 et ambassadeur de France à Monaco en 2006 prendra ses fonctions le 1er février 2016. Il succédera à Michel Roger, victime d’un accident vasculaire cérébral le 14 décembre 2015. Serge Telle a été conseiller diplomatique au cabinet du Premier ministre Lionel Jospin en 1997 et directeur adjoint du cabinet de Bernard Kouchner aux Affaires étrangères en 2007. Il est l’époux de l’ex-présentatrice d’Envoyé spécial, Guilaine Chenu. On ne caricaturera pas en écrivant que c’est un « homme de gauche qui aime les journalistes ». Mais disons que ce n’est pas un conservateur qui déteste la presse et ceux qui l’incarnent.
Un nouveau président du Conseil national
Le 27 avril, soit moins de deux mois après les débuts de Serge Telle, vote historique au Conseil national. Laurent Nouvion, alors président, qui avait conduit la liste Horizon Monaco sortie vainqueur des élections de février 2013, n’est pas réélu et doit céder sa place à son vice-président, Christophe Steiner. Situation inédite à Monaco qui atteste des fortes dissensions entre Laurent Nouvion et sa majorité. Christophe Steiner remporte le fauteuil de président, pas parce qu’il a manoeuvré pour l’obtenir. « Il ne s’agit pas d’une ambition personnelle, mais d’oeuvrer pour l’intérêt général », affinait-il dans nos colonnes le 30 mars en annonçant sa candidature. Quelques jours plus tôt, le 11 mars, le président Laurent Nouvion se montrait sûr de lui. Une éviction ? « C’est un cas de figure que je n’envisage pas », lançait-il fermement. Ce qui est certain, c’est que l’ambiance semble détendue entre Serge Telle et Christophe Steiner d’une part ; entre Christophe Steiner et une majorité de conseillers nationaux d’autre part – une majorité de conseillers dans laquelle on inclut les minorités Union monégasque et Renaissance. Petite formule qui n’a rien d’innocent tant les lignes de forces politiques et les étiquettes sont brouillées, de surcroît depuis l’élection de Christophe Steiner, mais depuis bien plus longtemps en réalité avec la déliquescence progressive du rang de Laurent Nouvion, d’abord tue, ensuite discrète, pour finir en éclats. Alors, dans ce paysage inédit de l’hémicycle, et même si les tirs tracent deux camps – la nouvelle majorité et celui, restreint à six élus, de l’ancien président Horizon Monaco, auxquels s’ajoutent quelques esprits plus ou moins indépendants (Sophie Lavagna, Pierre Svara et Daniel Boéri) – l’unité n’y est pas. Le vote du budget primitif en est l’illustration : dix voix « contre » et une abstention – vote des minorités ; et treize « pour » – du côté de la majorité.
« La volonté de travailler ensemble »
Un résultat qui a quelque peu étonné le frais ministre d’État : «Regardez ce qui se passe ailleurs, des montagnes de dettes, une croissance atonique. Nous sommes le contraire et nous devons nous en réjouir. » Oui, mais c’est peut-être sans appréhender pleinement les spécificités monégasques… Une dimension que devra mesurer avec toutes ses subtilités Serge Telle en 2017. Mais l’essentiel est dans «la volonté de travailler ensemble », pour reprendre la formule du viceprésident Marc Burini. Et il semble que l’un et l’autre sont disposés à discuter pour avancer dans la concertation. Preuve en est déjà les nombreux projets et propositions de loi votés depuis le printemps.