Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Bouygues réclame € aux anti-Ikea
Le promoteur assigne en justice l’association « En Toute franchise ». Depuis des années, ces opposants à Ikea multiplient les recours contre le projet du géant du meuble à Saint-Isidore
Un coup sur le buffet pour les opposants à Ikea dans la plaine du Var : Bouygues Immobilier attaque en justice l’association « En Toute franchise ». Lassé de « la multiplication des recours à l’encontre des permis de construire », le promoteur réclame 152 000 euros à la petite association. «Kit» ou double pour «En Toute franchise » : un porte-parole d’Ikea a annoncé, hier, que l’enseigne lance, elle aussi, une procédure devant le tribunal de grande instance de Nice « pour recours abusif contre le permis de construire ». Le géant du meuble suédois demandera également des dommages-intérêts, a fait savoir ce chargé de communication, sans en spécifier le montant.
« Une croisade jusqu’au boutiste »
Le 15 septembre dernier, Ikea avait obtenu un permis de construire pour son projet. Un complexe commercial de 54 000 m2 de surface plancher totale : 32 000 m2 pour le magasin Ikea et neuf bâtiments
(1) de logements, bureaux et commerces en pied d’immeuble construits par Bouygues. Après des années de bataille pour s’implanter dans les Alpes-Maritimes, le spécialiste de l’ameublement en kit semblait plus proche que jamais de poser ses meubles sur l’avenue Pierre-de-Coubertin, à Saint-Isidore. Sauf que la petite – mais pas commode – association en lutte contre les abus des grandes surfaces a perturbé les plans de pendaison de crémaillère du géant du meuble suédois : le 15 novembre, « En Toute franchise » a déposé, devant la cour d’appel administrative de Marseille, un recours pour faire tomber le permis de construire. La goutte d’eau pour Bouygues Immobilier qui dénonce aujourd’hui « la croisade jusqu’au boutiste » de ces militants anti-grandes surfaces. « Leurs arguments ont été rejetés par deux commissions [« En Toute franchise » avait déposé sans succès deux recours, devant la commission départementale d’aménagement commercial (CDAC) puis, à Paris, devant la commission nationale d’aménagement commercial (CNAC)]. Alors, pour faire durer le combat, ils ont modifié leurs statuts après le dépôt de permis de construire et ils attaquent sur le plan de l’urbanisme », tonne Fabien Mitoire, le directeur de l’agence Alpes-Maritimes du promoteur. « Leur action bloque l’ensemble du
projet ! Tout prend du retard… » ,déplore ce représentant de Bouygues immobilier. Projet qui, plaide-t-il, « prévoit la construction de 289 logements – dont 25 % de logements sociaux – dans une zone tendue, crée 500 emplois sans compter ceux induits par le chantier… ». «On a le sentiment d’être pris en otages d’un sujet commercial et d’un combat d’arrière-garde alors on réagit, on montre notre détermination ! », poursuit Fabien Mitoire. « Ce recours est abusif ! », enchérit, pour sa part, Ikea, qui lance une action en justice.
«Ils veulent nous intimider... On va répliquer!»
Pas de quoi ébranler la présidente d’«En Toute franchise», Martine Donnette : « Ils nous demandent beaucoup d’argent pour nous intimider mais on ira jusqu’au bout ! On va répliquer: nos avocats sont en train d’étudier le dossier ». Droite dans ses bottes, elle ajoute : « Nous, on défend notre droit de recours des tiers en tant que commerçants et représentants des commerçants. C’est un droit inscrit dans la Constitution française ». « Le permis de construire est l’autorisation d’exploiter et c’est ce que nous attaquons aujourd’hui. On n’a pas attaqué au titre du Code de l’urbanisme mais bien au titre du Code du commerce. C’est leur problème d’avoir mis des logements à côté d’une surface commerciale très dangereuse ! », défend Martine Donnette. Qui note sur le plan du droit : « L’assignation de Bouygues est argumentée par rapport à la loi Duflot mais jamais par rapport à la loi Pinel qui prévaut dans ce dossier : s’ils ne sont pas d’accord avec la loi, qu’ils aillent voir le législateur, pas nous! Nous, nous défendons juste les commerçants : 600 commerces indépendants sont fermés à Nice et quand ils sont placés en liquidation, c’est sans indemnités ! On est dans les clous et on ne lâchera rien ! » 1. Dont 24 000 m de surface commerciale.