Nice-Matin (Nice Littoral et Vallées)
Marine Le Pen s’offre une polémique sur le voile
Au dernier jour de sa visite au Liban, la candidate du FN a refusé de se voiler pour rencontrer le grand mufti et a quitté le pays sans s’entretenir avec lui
Magnifique message de liberté et d’émancipation envoyé aux femmes de France et du monde entier », comme l’a aussitôt affirmé dans son tweet Florian Philippot, vice-président du Front national ou, plus simplement, un coup de com’ ? La question a le mérite d’être posée et était, hier soir, au coeur des débats dans les rédactions après que la candidate du Front national à la présidentielle française, Marine Le Pen, eut conclu, hier, sa première visite au Liban par un coup d’éclat médiatique en refusant de porter le voile pour rencontrer le mufti de la République. A Beyrouth, Mme Le Pen s’est vu tendre un voile à son arrivée au siège de Dar al-Fatwa, la plus haute autorité sunnite du pays, pour y rencontrer cheikh Abdellatif Deriane. Elle a refusé de le prendre et est repartie aussitôt. «Jene me voilerai pas », a-t-elle martelé devant des journalistes. « J’ai indiqué, lundi, que je ne me voilerai pas. Ils n’ont pas annulé le rendez-vous, j’ai donc cru qu’ils accepteraient que je ne porte pas le voile», a-t-elle ajouté. «Ils ont cherché à m’imposer ça, à me mettre devant le fait accompli, eh bien on ne me met pas devant le fait accompli », a encore dit la dirigeante d’extrême droite. Mais Dar al-Fatwa a expliqué « avoir informé » la veille « la candidate à la présidentielle, par l’intermédiaire d’un de ses collaborateurs, de la nécessité de se couvrir la tête lors de sa rencontre avec son éminence [le mufti] selon le protocole ». « Surprise », l’institution sunnite a exprimé ses regrets « pour ce comportement inconvenant pour des réunions pareilles ». Mme Le Pen a déclaré qu’elle n’avait « aucune raison » de se voiler puisque « la plus haute autorité sunnite du monde n’avait pas eu cette exigence ». Elle faisait référence à sa visite en mai 2015 en Egypte où elle avait rencontré Ahmed al-Tayeb, le grand imam d’Al-Azhar au Caire, une des plus importantes institutions religieuses dans le monde musulman. La candidate s’est défendue d’être anti-musulmane : « Je n’ai jamais confondu la religion musulmane et le fondamentalisme islamiste. Je m’oppose à l’islam comme projet politique. Je mène une guerre contre le fondamentalisme islamiste. » Mme Le Pen a rencontré le patriarche maronite Bechara Raï et salué, devant caméras et micros, la culture libanaise de « modération », « créée par les chrétiens et les musulmans ». Elle a ensuite rencontré dans son fief Samir Geagea, le chef chrétien maronite des forces libanaises (droite chrétienne), présenté comme un «ami», en référence aux cadres frontistes, comme Thibault de la Tocnaye, ayant bataillé dans les rangs phalangistes pendant la guerre civile (1975-1990) au Liban.
« Une insulte envers les peuples libanais et syrien »
« Les déclarations de Marine Le Pen au Liban sont une insulte envers le peuple libanais et le peuple syrien », a réagi le chef druze Walid Joumblatt, vivement opposé à Damas, et qui devait rencontrer le président français Hollande à Paris hier après-midi. Le chef du parti Kataëb (chrétien) Sami Gemayel n’a pas non plus apprécié sa défense de M. Assad lundi. « On ne lutte pas » contre « l’extrémisme [...] en soutenant les dictatures mais en soutenant les forces modérées et en diffusant les valeurs de tolérance, de diversité et de démocratie », a-t-il dit en recevant Marine Le Pen à son siège.